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yeux du monde. A trente ans de distance, le Président s’est-il souvenu de l’hypothèse étudiée naguère par le professeur d’Université ?

C’est en tous cas dans une situation de ce genre que se trouve aujourd’hui l’Amérique. Le problème serait insoluble si les deux partis qui luttent à propos du traité de paix avaient des idées différentes sur l’objet à atteindre. Mais il n’en est pas ainsi : il n’y a pas un parti qui veut et un qui ne veut pas se désintéresser de la guerre, de la paix, de l’avenir de l’Europe et de la menace germanique. Rien ne serait plus inexact et plus injuste que de prêter au parti républicain un changement politique essentiel. On ne saurait oublier que le parti qui mène la campagne contre le texte du traité, a été dès la violation de la Belgique partisan de la guerre, que jusqu’en avril 1917, il a pris l’initiative des mesures de préparation qui ont dans la suite facilité l’effort américain, qu’il est sincèrement attaché à l’idée de l’alliance anglo-franco-américaine. Dans cette controverse les deux partis diffèrent seulement sur les méthodes à employer. C’est pourquoi nous demeurons persuadés qu’ils se mettront d’accord. Nous ne savons ni à quelle date, ni par quels moyens, et la maladie qui empêche M. Wilson d’exercer son action personnelle, ajoute à ces incertitudes. Mais nous serions bien étonnés si l’Amérique ne trouvait pas la voie à suivre pour aller jusqu’au bout de son œuvre. L’histoire de ces quinze dernières années nous montre que la doctrine de Monroë et la constitution n’ont pas détourné les États-Unis de suivre la loi inévitable qui ne laisse plus les nations vivre dans la solitude et ne les ont pas empêchés de mêler leur grande et jeune puissance aux affaires du monde. Ils étaient représentés à La Haye et ils ont collaboré à l’acte général d’Algésiras. Chaque fois ils ont exprimé formellement leur désir de ne pas se départir de la politique traditionnelle des États Unis à l’égard des questions européennes : ils n’en ont pas moins mis leur signature au bas des protocoles internationaux. C’est dans ces précédents qu’ils trouveront un moyen de lever les difficultés qui les arrêtent aujourd’hui. Ils seront maîtres d’accepter ou de ne pas accepter les mandats que la Société des Nations pourrait avoir le désir de leur confier. Mais ils ne compromettront pas par animosité contre le Président le traité qui consacre la victoire du droit. Il ne sera pas dit qu’après avoir travaillé à la victoire commune, ils puissent assister en témoins insensibles aux efforts qu’accomplira l’Europe pour maintenir en face d’une Allemagne