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REVUE PÉDAGOGIQUE.

le nombre moyen des émigrants était de 12,000 par an ; de 1850 à 1860, avant la guerre de sécession, il s’est élevé à 280,000. Le dernier recensement, lequel a eu lieu en 1870, indique que, sur 38 1/2 millions d’habitants, 5 1/2 millions étaient nés à l’étranger et près de 12 millions avaient un père ou une mère étrangers. Les Irlandais constituent le groupe principal des émigrants et celui dans lequel l’ignorance occupe la plus large place. En 1840, lorsque pour la première fois le recensement recueillit des données relatives à l’instruction, on trouva 549,000 blancs au-dessus de 20 ans qui ne savaient ni lire ni écrire ; en 1870, il y en avait 1,871,000. Cette invasion a éveillé la sollicitude des pédagogues. « Si une armée ennemie, écrivait M. Eaton, commissaire de l’éducation, menaçait nos frontières, la nation tout entière se lèverait en armes. Mais des bataillons ennemis, plus redoutables encore que ceux du dehors, occupent déjà nos villes et nos campagnes ; la grande armée de l’ignorance s’avance, toujours plus épaisse, plus invincible. L’histoire nous montre avec quelle peine on arrive à la civilisation, et avec quelle facilité on retombe dans la barbarie ».

En 1830, le nombre des esclaves n’était que de 2 millions. avait doublé en 1860 et, quelques années après, le triomphe du Nord, qui, malgré les nombreuses difficultés inhérentes à une transformation de ce genre, doit être regardé comme le triomphe de la civilisation, appelait à la liberté et à la vie politique cette population doublement dégradée par l’ignorance et par la servitude. C’était une seconde invasion de barbares. Le recensement de 1870 constatait en effet que la proportion des illettrés à la population totale était de 5 1/2 environ pour cent dans le Nord, tandis qu’elle s’élevait à 29 pour cent dans le Sud.