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ENSEIGNEMENT MANUEL.

seulement tricoter, elle gagnerait peut-être deux sous par heure, mais elle n’est forte qu’en calligraphie.

Ces deux exemples mettent en relief le vice qui, à notre avis, paralyse, dénature, renverse l’intention des mieux intentionnés pour l’instruction populaire. On y assimile les enfants de la classe ouvrière à ceux de la classe bourgeoise, j’entends de la classe qui ne vit pas du salaire journalier et dont les enfants peuvent attendre ; on les soumet à l’étude des petites humanités, comme s’ils étaient spécialement destinés à devenir scribes, grammairiens,. employés, petits fonctionnaires, caissière, demoiselle de magasin, et tel est l’avenir qu’on leur fait envier ; comme si la plupart, avant la fin du scolage complet, n’allaient pas être forcés sans transition aucune, subitement, de passer de la douce quiétude de l’école et du travail inerte, au rude labeur contre les éléments résistants et grossiers, à la production matérielle forcée. Il va falloir qu’immédiatement garçons ou filles rapportent un tant par semaine à la famille et qu’avant deux, trois ou quatre années au plus, ils suffisent entièrement à leur vie !

Prenons 5,000 garçons et 5,000 filles de treize ans ; c’est à peu près la moitié du nombre d’enfants qui, à Paris, quittent l’école après l’avoir régulièrement suivie ; depuis l’âge de six ans, c’est-à-dire pendant sept années, ils auront reçu les excellentes leçons de la pédagogie primaire. Ils savent donc lire, écrire assez correctement, et faire une règle de trois ; ils possèdent quelques notions de dessin linéaire et d’ornement ; ils savent le nom de toutes les sous-préfectures de France, de tous les affluents des deux rives pour les moindres fleuves et rivières ; ils retiennent toute fraîche encore dans leur mémoire la chronologie des Mérovingiens, les dates des batailles de Tolbiac, de