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REVUE PÉDAGOGIQUE

mulés par ses soins, et probablement nul autre que lui ne saura en tirer parti.

L’étude du vieux français était peu à peu devenue sa préoccupation principale, sinon unique ; il s’y perfectionna à l’École nouvellement créée des hautes études, comme élève d’abord (1869), comme répétiteur pour les langues romanes ensuite (1872). C’est sa thèse d’élève diplômé, un traité de la formation des mots composés dans la langue française (1873), qui pour la première fois attira sur lui l’attention de tous les philologues, en revendiquant hautement pour le français la faculté de créer des mots nouveaux, que la routine attribuait aux seules langues germaniques. Plus appréciées encore du monde savant furent les deux thèses De Floovante vetustiore gallico poemate et de Merovingo cyclo, et de la création actuelle de mots nouveaux dans la langue française, qui lui valurent, le 13 juin 1877, avec la mention de l’unanimité, le grade de docteur ; elles sont en effet aussi remarquables par la hardiesse des sujets et de la méthode, que par la profondeur, la pénétration, la largeur d’aperçus, le sentiment délicat et profond des forces vives qui créent et renouvellent la langue.

Trois jours après la soutenance, Darmesteter était chargé d’inaugurer à la Faculté, avec le titre de maître de conférences, l’enseignement de la Langue et de la Littérature françaises du moyen âge. Il ne quitta cependant l’École des hautes études que six ans plus tard, lorsqu’un décret en date du 15 janvier 1883 l’eut appelé à la chaire nouvellement créée de Littérature française du moyen âge et d’Histoire de la langue française, et, juste récompense d’un talent hors ligne et d’un succès peu ordinaire, eut fait de lui, à trente-six ans, un titulaire en Sorbonne. Entre temps (en 1881) lui avait été confié en outre un troisième enseignement, celui de la grammaire française à l’École normale supérieure de jeunes filles qu’on venait de fonder à Sèvres. Grâce à son tact autant qu’à sa science, il réussit admirablement dans cette délicate mission. Le Cours de grammaire française, qui est le résumé, fixé, amélioré, complété d’année en année, de cet enseignement entièrement neuf et original, rendra certainement, s’il est publié, les plus grands services même à d’autres qu’à la jeunesse féminine de nos écoles.

Ces charges si lourdes de l’enseignement, auxquelles il se préparait avec une conscience extrême, n’occupaient cependant qu’une partie de son activité. Depuis 1871, il avait entrepris, de concert avec M. Hatzfeld, qui fut aussi son collaborateur pour un excellent Tableau de la littérature et de la langue françaises au XVIe siècle (1878), un Dictionnaire général de la langue française, dont la double originalité devait être de présenter les significations des mots, non pas selon leur importance usuelle, mais dans l’ordre historique du développement de leurs différentes acceptions, et d’autre part d’expliquer dans une volumineuse introduction, œuvre de Darmesteter seul, l’histoire complète de la langue et de la formation du vocabulaire, en renvoyant perpétuelle-