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REVUE PÉDAGOGIQUE

mique et tyrannie des usuriers, — toutes les questions auront été passées en revue. Nous n’en examinerons ici qu’une seule celle de l’enseignement primaire des indigènes musulmans. Les faits qui s’y rapportent nous sont personnellement connus : grâce à des circonstances particulièrement favorables, deux fois, à dix années d’intervalle, il nous a été donné de les étudier non seulement dans les documents officiels, mais dans le pays même.

Sur cette question, nous constatons avec plaisir qu’il y a unanimité dans la presse métropolitaine et que, dans la presse algérienne, il y a moins de divergences que sur d’autres points. Le temps n’est plus où la nécessité d’amener à nous les indigènes par l’instruction française pouvait être contestée. Tout le monde comprend aujourd’hui qu’il n’y a pas de milieu entre la politique qui tend à les rapprocher de nous et celle qui, prônée seulement par quelques enfants perdus, consisterait à les refouler ou à les exterminer. La première est la seule conforme à l’humanité, à la justice, à l’honneur de la France, à son intérêt bien entendu ; mais elle est soutenue avec plus ou moins de confiance dans l’efficacité des efforts tentés, avec plus ou moins d’empressement à accepter les sacrifices qu’elle impose.

On répète, par exemple, que c’est l’indigène qui repousse le bienfait de l’instruction que nous lui offrons ; qu’il y a en lui une incapacité ethnique à en profiter sérieusement ; que le lycée, le collège ou l’école primaire ne peuvent faire de lui qu’un déclassé ; qu’ils ne parviendront pas à atténuer ses préjugés ou son fanatisme. On n’en cite pas moins, avec quelque orgueil, les « 194 écoles » indigènes fondées en dix-sept ans ; les 150, 000 francs d’augmentation pour ce service qui devaient figurer au budget spécial de la colonie pour 1892[1] ; on affirme même que les administrateurs des communes mixtes « ont fait tout ce qu’ils ont pu[2] ». Personne ne dit qu’on croit avoir assez fait, et qu’on ne veut pas faire davantage. On allègue surtout l’insuffisance des ressources, et, si on est un peu pressé par les orateurs métropolitains, on retourne le reproche à la métropole elle-même, qui

  1. Polémique sur la question algérienne entre M. Mermeix et M. Allan, Alger, 1891. Lettres de M. Allan, p. 36. — Discours de M. Tirman au Sénat.
  2. Discours de M. Tirman au Sénat, 26 février 1891.