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analyses. — benno erdmann. Philosophie in Deutschland.

paix qui ne devait rien coûter à la dignité, à l’indépendance des deux parties.

L’hégélien Noack, le positiviste Twesten n’hésitèrent pas à revenir à la doctrine du vieux maître, que ses successeurs leur avaient trop fait oublier. L’historien Zeller se rangea résolument sous la bannière de Kant, et publia son court, mais significatif opuscule « sur l’importance et l’objet de la théorie de la connaissance » (1862). Mais c’est Lange (1866) qui eut surtout, l’honneur de communiquer l’impulsion décisive aux intelligences philosophiques. Il flattait le goût du temps, en présentant ses idées sous la forme de l’histoire. Il ménageait leurs dispositions sceptiques, en écartant scrupuleusement l’appareil du système, en se montrant plus soucieux de les faire penser par eux-mêmes, que de leur exposer ses propres pensées ; et surtout, il était profondément dominé par le même besoin qui les tourmentait eux-mêmes, celui d’une philosophie capable de faire, sans restriction d’aucun genre, leur part légitime aux besoins du cœur et à ceux de l’entendement.

La même année où l’Histoire du matérialisme de Lange traduisait avec tant de pénétration et d’éloquence les communes aspirations des intelligences philosophiques, la Morphologie générale de Hæckel et l’Optique physiologique de Helmholtz les exprimaient de leur côté sous des formes différentes, mais avec une égale énergie. On peut dire qu’avec l’année 1866 une période nouvelle commence pour l’histoire de la pensée philosophique. La conscience du siècle sait ce qui lui manque, ce qu’elle veut. Elle est édifiée sur l’égale insuffisance du dogmatisme matérialiste et du dogmatisme idéaliste qui l’a précédé. Elle a compris que l’expérience n’est pas tout. Mais elle sait aussi que rien de solide ne s’édifie sans elle, et surtout contre elle. Elle condamne également et le mépris des faits et le dédain des hypothèses, et impose au savant aussi bien qu’au philosophe l’obligation rigoureuse de tenir compte et des uns et des autres. Aussi voyons-nous désormais les savants se complaire aux théories que proscrivait impitoyablement l’empirisme de leurs devanciers. Les Annales de Poggendorff qui avaient en 1842 refusé l’hospitalité de leurs colonnes au premier mémoire, où Robert Mayer ébauchait sa grandiose hypothèse, accueillent avec faveur des essais comme celui de Pfaundler « sur la lutte pour l’existence entre les molécules. » Est-il nécessaire de rappeler le monisme de Hæckel, et le mélange contradictoire qu’il présente d’un mécanisme qui bannit toute finalité et d’un spiritualisme qui associe la vie et la pensée à toute matière ? L’exemple de Classen et celui de Zöllner, entre mille autres, ne témoignent pas d’une manière moins surprenante de l’union, désormais indissoluble, dans les intelligences scientifiques de l’Allemagne, de la curiosité spéculative et de la rigueur scientifique.

De leur côté les philosophes n’y manifestent pas avec moins d’énergie le besoin d’un rapprochement avec la science expérimentale. Nulle doctrine n’a plus chance de leur agréer, qui ne commence par tenir