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g. tarde. — la croyance et le désir

Que conclure de là ? C’est que le désir du mariage est environ trois fois plus grand chez les veufs que chez les garçons du même âge. Pour les veuves comparées aux filles, il est seulement deux fois plus grand (voy. Revue scientif., 15 février 1879). Par les chiffres des naissances aux divers mois de l’année, nous apprenons dans quelle proportion numérique l’amour physique est plus intense au printemps qu’en hiver. Quand nous voyons (Revue scientif., mars 1877) que 1 000 femmes mariées de quinze à cinquante ans ont, année moyenne, 248 enfants en Angleterre, 275 en Prusse et en France 173, comme nous savons d’ailleurs, par la fécondité remarquable de la race française au Canada, que nulle raison physiologique ne joue le rôle dominant dans ce résultat, nous sommes autorisés à penser que, si le désir d’avoir des enfants est parmi nous égal à 1, il est en Prusse égal à 1,59, et, en Angleterre, à 1,43. La statistique criminelle et civile peut servir à évaluer la croissance ou la décroissance des instincts processifs et des passions violentes.

Mais la plus antique et la plus originale, et peut-être la plus rigoureuse des balances de ce genre, c’est la guerre. Quand sur un point, insignifiant parfois, deux volontés nationales sont en conflit, l’une disant : oui, telle chose sera ; l’autre disant : non, telle chose ne sera pas ; chacune d’elles puise, dans la supériorité de force qu’elle s’attribue, le droit qu’elle s’arroge d’anéantir l’autre. Il s’agit de soumettre ces persuasions contraires à un contrôle éclatant. Des deux côtés alors, le désir national s’amasse ; mais il ne se totalise pas seulement, il s’organise, il se ramifie en une multitude de manœuvres et d’actions guerrières différentes qui collaborent au même but précisément parce qu’elles sont hétérogènes (car le seul rapport possible des choses similaires consiste à se juxtaposer stérilement ou à s’opposer destructivement ; ce ne sont pas les boulangers qui font concurrence aux meuniers, mais bien les meuniers qui cherchent à se détruire entre eux et les boulangers entre eux, et toute production, à l’inverse, suppose la dissemblance des travaux). Une armée n’est donc pas un simple total, comme les chiffres de la statistique, dont les unités sont homogènes ; elle est un tout comme un être vivant. Elle est un nombre si l’on veut, mais un nombre vrai, objectif, qui reste tel hors de la pensée nombrante. En elle s’incarnent non seulement une quantité définie à chaque instant d’énergie mécanique sous forme de poudre et de boulets, de nerfs et de muscles, mais une somme déterminée à chaque instant de dogmatisme ou d’entêtement patriotique qui passe identique à lui-même, à travers les canons roulés, les marches forcées, les tambours battants, les fanfares. On se bat enfin. Pourquoi ? Parce qu’il