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lesquelles la conscience a ses racines, il est clair que, toutes les fois que ce complexus physiologique et psychique se reconstituera, le moi se retrouvera le même et les mêmes associations seront éveillées. Dans chaque accès, il se produit un état physiologique particulier ; les sens sont en grande partie fermés aux excitations extérieures ; par suite, beaucoup d’associations ne peuvent plus être suscitées : il y a simplification de la vie mentale, réduction à une condition presque mécanique. Il est clair d’ailleurs que ces états se ressemblent beaucoup entre eux, en raison de leur simplicité même, et qu’ils diffèrent totalement de l’état de veille. Dès lors, il est naturel que les mêmes conditions entraînent les mêmes effets, que les mêmes éléments donnent lieu aux mêmes combinaisons, que les mêmes associations soient éveillées à l’exclusion des autres. Elles trouvent dans l’état pathologique leurs conditions d’existence qui dans l’état normal ne se rencontrent pas ou sont en lutte avec beaucoup d’autres.

Dans l’état de santé et de veille, en effet, les phénomènes de conscience sont trop variés, trop nombreux pour que la même combinaison ait des chances de se reproduire plusieurs fois. Cela arrive cependant dans certains cas bizarres, par suite de causes inconnues. « Un clergyman, dit le Dr Reynolds, en apparence très bien portant, célébrait le service un dimanche ; il choisit les hymnes, les leçons, prononça une prière extemporanée. Le dimanche suivant, il procéda exactement de la même manière, choisit les mêmes hymnes, les mêmes leçons, récita la même prière, prit le même texte et prononça le même sermon. En descendant de sa chaire, il n’avait aucun souvenir d’avoir fait, le dimanche précédent, ce qu’il venait de répéter entièrement. Il en fut fort effrayé et redouta longtemps une maladie cérébrale qui ne survint pas[1]. » On a vu l’ivresse produire le même retour du souvenir, comme dans le cas très connu de ce commissionnaire irlandais qui, ayant perdu un paquet pendant qu’il était ivre, s’enivra de nouveau et se rappela où il l’avait laissé.

Nous l’avons dit en commençant : les amnésies périodiques, si curieuses qu’elles soient, en apprennent plus long sur la nature du moi que sur celle de la mémoire. Elles renferment cependant une part d’enseignement : nous y reviendrons dans le paragraphe qui va suivre.

  1. Reynolds in Carpenter, p. 444.