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bénard. — la théorie du comique.

manifeste par l’oscillation des organes, en renouvelle ainsi l’équilibre et a sur la santé une influence favorable.

C’est ici que s’offre la définition devenue célèbre :

« Dans tout ce qui est capable d’exciter de vifs éclats de rire, il doit y avoir quelque chose d’absurde (en quoi l’entendement lui-même ne peut trouver de satisfaction). Le rire estime affection qu’on éprouve quand une grande attente se trouve tout à coup anéantie. Ce changement, qui n’a certainement rien de réjouissant pour l’entendement, nous réjouit cependant beaucoup indirectement pendant un moment. La cause doit être dans l’influence de la représentation sur le corps et dans la réaction du corps sur l’esprit, non que la représentation soit objectivement un objet de contentement (car comment une attente trompée peut-elle causer une jouissance ?) ; mais c’est que, en tant que simple jeu des représentations, elle produit un équilibre des forces vitales. » Ibid.)

Mais, si l’équilibre est dans le corps, c’est qu’il est d’abord dans l’esprit. Comment s’opère le phénomène mental ? Kant ne l’explique pas ; il se borne à des exemples.

Une grande attente tout à coup réduite à rien, c’est une méprise, une illusion. Comment cette illusion nous plaît-elle ? D’où vient cette secousse agréable qui produit la gaieté et qui excite le rire ? L’explication est insuffisante. Kant ajoute qu’il faut que notre propre méprise soit indifférente. L’observation est juste, mais ne résout pas la difficulté. C’est, dit-il, comme une balle avec laquelle nous jouons quelque temps, tandis que nous croyons la saisir et la relever.

La comparaison est juste, mais ce n’est qu’une comparaison.

Quoi qu’il en soit de l’insuffisance de ces explications, on n’en peut contester la supériorité sur ce qui précède. L’analyse est imparfaite ; mais c’en est une ; le problème est scruté dans sa nature intime et complexe. Il y a plus : la solution proposée, outre qu’elle provoque l’examen, est loin d’être fausse et contient une grande partie de vérité.

« Il faut remarquer, ajoute Kant, que, dans ces sortes de cas, la plaisanterie doit toujours contenir quelque chose qui puisse faire un instant illusion. C’est pourquoi, quand l’illusion est dissipée, l’esprit revient en arrière pour l’éprouver de nouveau, et ainsi, par l’effet d’une tension et d’un relâchement qui se succèdent, il est porté et balancé pour ainsi dire d’un point à un autre. Et, comme la cause qui en quelque sorte tendait la corde vient à se retirer tout à coup, il en résulte un mouvement de l’esprit et un mouvement correspondant du corps correspondant au premier qui se prolongent in-