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volontairement et tout en nous fatiguant nous égayent. » (lbid.)

Il est inutile de suivre plus loin cette analyse, dont il est facile de faire ressortir les défauts (J. Paul), dont on a aussi peut-être exagéré les mérites (Lotze). Ce qui est certain, c’est qu’elle dépasse de beaucoup ce qu’on a pu trouver dans les théories antérieures. Le problème au moins est envisagé, comme on l’a dit, dans sa nature complexe. Le côté physiologique sans douta a trop absorbé l’attention du philosophe ; la partie psychologique reste trop dans l’ombre ; mais les deux termes sont rattachés l’un à l’autre et saisis dans leur unité. On ne peut nier la sagacité avec laquelle sont saisis et décrits tous ces faits, qui se succèdent si rapidement : l’attente inopinément excitée et tout à coup réduite à rien, la tension de l’esprit, cette secousse et ce relâchement subit, ce jeu des facultés de l’esprit répondant au jeu et à l’équilibre des organes, la gaieté et le plaisir qui en résultent, ce sont autant de faces de la question qui sont mises en saillie ou en relief. Si elles ne reçoivent pas une pleine lumière, elles appellent l’attention et doivent être le point de départ de nouvelles recherches. Un problème aussi compliqué ne peut être résolu en un jour. C’est déjà un grand pas de fait dans une science que de montrer les aspects divers jusqu’ici oubliés ou inaperçus. Tel est le service principal que Kant, selon nous, a rendu à la science esthétique en ce qui concerne le problème limité dont nous étudions le développement historique.

Il y aurait à remarquer encore dans cette partie de la critique de Kant, beaucoup trop laconique sans doute, quelques réflexions d’un sens profond qui rappellent à côté du penseur le moraliste. Nous nous bornons à la suivante :

« Voltaire disait que le Ciel nous avait donné deux choses en compensation de toutes les misères de la vie, l’espérance et le sommeil ; il aurait pu ajouter le rire, si nous pouvions disposer aussi facilement des moyens propres à l’exciter chez les hommes sensés et si le véritable talent comique n’était pas aussi rare. »

Quant au comique proprement dit, au rôle qu’il joue dans la théorie des arts, c’est la partie la plus faible chez Kant. On sait combien, malgré quelques vues qui ne manquent ni de profondeur ni de justesse, toute cette partie de l’esthétique kantienne est superficielle et laisse à désirer.

Nous n’avons rien à demander aux disciples de Kant et aux esthéticiens de son école sur le sujet qui nous occupe ; Schiller le grand poète et aussi le véritable esthéticien, qui relève de Kant et en même temps le dépasse, n’a envisagé la question (Poésie naïve et sentimentale) que dans son application aux formes de la poésie. Dans le