Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
340
revue philosophique

1o Le principal est qu’Userait absurde de supposer que toutes les personnes endormies ont simulé le sommeil. Pour ma part, cette supposition me paraît absolument ridicule. Voilà, par exemple, deux de mes bons amis, jeunes gens instruits et éclairés, en qui j’ai absolument confiance. Faut-il admettre qu’ils m’ont trompé et qu’ils se sont moqués de moi ? J’en pourrais dire autant de cinq ou six personnes tout à fait honorables, que je ne saurais suspecter de mauvaise foi pour rien au monde. D’ailleurs il me faudrait alors croire que les cinquante personnes, ou à peu près, de tout âge et de toute condition, que j’ai pu endormir, étaient toutes, sans exception, sans une seule exception, fourbes et menteuses. Voilà qui est inadmissible en vérité. Puis-je supposer qu’autour de moi, par une infortune singulière, il n’y ait que perfidie et fausseté, parmi mes proches, mes parents, mes amis, et qu’ils se soient entendus d’avance pour me faire commettre de grossières erreurs.

D’ailleurs il serait nécessaire de supposer la même infortune pour bien d’autres. L’éminent professeur de physiologie de Breslau, M. R. Heidenhain, raconte qu’il a pu endormir son jeune frère, étudiant distingué à l’Université. Qui pourra croire que ce jeune homme ait joué la comédie pour abuser perfidement de la naïveté de son frère et en faire la risée publique ?

On verra plus loin que presque toutes les femmes sont plus ou moins susceptibles d’être endormies. Cela signifierait alors que presque toutes les femmes consentent à feindre le sommeil. Franchement, cette supposition est-elle admissible ? Ne saurait-on trouver une femme se refusant à cette imposture ? Deux alternatives s’offrent donc à nous, et on est forcé de reconnaître ou bien que toutes les femmes sont des fourbes et des simulatrices, ou bien que le somnambulisme est un fait réel. On m’accordera, je pense, que la première de ces deux hypothèses est manifestement absurde.


2o Une autre considération doit être invoquée : c’est la concordance des phénomènes. Les faits que Puységur, Rostan, Georget, Husson ont vus en France il y a soixante ans ont été observés par Braid vers 1840 en Angleterre, à Paris, en 1860 par M. Broca, par M. Charcot et M. P. Richer en 1877, par M. Heidenhain à Breslau en 1880, et par tant d’autres savants pendant un siècle dans toute l’Europe qu’on ne saurait citer tous les noms. Voilà une bien étrange simulation que celle qui se retrouve pendant un tel espace de temps avec les mêmes apparences : paupières fermées, mouvements fibrillaires dans les muscles de la face, hallucinations de la vue et de l’ouïe, catalepsie, contracture. Comment les femmes venant de la