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c’est-à-dire dans l’esprit de libre recherche, sympathiques à tout effort de la pensée, largement ouverts aux idées. — On traitera donc dans cette conclusion cette question, parfois indiquée au commencement du cours, mais qui n’a sa vraie place qu’à la fin : du rôle de la philosophie ; de son importance au point de vue intellectuel, moral et social.

Pour ce qui est de l’ordre des parties, la Morale est remise à sa place, après la psychologie et la logique, avec lesquelles elle compose la philosophie de l’homme, et avant la métaphysique et la théodicée, qui constituent la philosophie première. Je ne crois pas que jamais changement, ou plutôt que jamais retour à la tradition ait été plus unanimement demandé. S’il est en effet un progrès peu contestable dans l’histoire des idées, depuis Kant, c’est bien celui qui a consisté à mettre de plus en plus la morale en dehors et comme au-dessus des systèmes de métaphysique. Quand les systèmes sont tous plus ou moins contestés et sans cesse s’entre-détruisent, qui ne devrait ^e réjouir de voir la morale mise à part comme un terrain commun, le terrain solide par excellence, qui n’est point ébranlé aux moindres fluctuations de la raison spéculative, sur lequel au contraire la raison désormais doit bâtir ? — Cette rectification au programme a donc été faite sans discussion[1].

Entre la Psychologie et la Logique, un débat était possible : on a dû se demander à laquelle des deux il convenait de donner le premier rang. Les avis étant partagés dans la commission préparatoire, on u mieux aimé s’en tenir au statu quo que de porter devant le Conseil une question toute technique, au fond sans importance. On fera comme auparavant, chacun suivra ses préférences : il y a de si bonnes raisons de part et d’autre, que, quel que soit l’ordre qu’on adopte, on n’aura pas de peine à le justifier. Ce qu’on peut dire en faveur de la psychologie est bien connu et fort plausible, et emportera sans doute toujours la balance aux yeux du plus grand nombre des professeurs. Mais si la logique n’avait pas la réputation, d’ailleurs imméritée, d’être plus difficile, s’il n’y avait pas à craindre de rebuter tout d’abord quantité d’élèves imbus de ce préjugé (considération dont on ne saurait faire fi), n’y aurait-il pas aussi de grands avantages à commencer par initier les esprits aux lois mêmes de la pensée discursive, aux règles de toute recherche et de toute démonstration ? Ce

  1. M. P. Janet a donné sur ce point, dans son Cours de philosophie, une formule qui serait décisive, s’il en était besoin : « On craint d’affaiblir la morale en lui ôtant la base de la théodicée ; mais on ne voit pas qu’on affaiblit la théodicée en lui ôtant la base de la morale. »