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NOTES ET DISCUSSIONS


SUR LA FUSION DES SENSATIONS SEMBLABLES



J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la note de M. Binet[1] sur la fusion des sensations semblables. Il y aurait peut-être lieu de la compléter. Je me permettrai en même temps de rectifier quelques points qui m’ont paru être entachés d’inexactitude.

Pour résoudre le problème en discussion, M. Binet suppose que chacun des points de notre épiderme aurait une manière spéciale de sentir. Cette explication doit avoir été trouvée depuis longtemps. Sans pouvoir dire où je l’ai moi-même puisée, je la donne implicitement dans ma première Note sur les illusions d’optique (1864). Voici comment je m’exprime : « Les différents points de la rétine ne sont pas doués d’une sensibilité identique. Ainsi une même image venant se peindre tour à tour sur des parties différentes de ce tissu nerveux, revêtira à chaque position des caractères propres, si nous pouvons nous exprimer ainsi, caractères qui permettront à la longue de reconnaître cette même position. C’est ainsi que, si je promène la tête d’une épingle sur la main, je suis toujours en état de désigner la partie touchée, grâce à la nature particulière, quoique indéfinissable, de la sensation éprouvée. » Cette idée d’ailleurs vient, ce me semble, assez naturellement à l’esprit.

La variation continue de la sensibilité cutanée a une cause. Cette cause, il faut l’attribuer uniquement, je pense, à l’irrégularité de la surface sensible : elle est donc purement de nature géométrique. Quand on exerce une pression sur un endroit du corps, l’effet produit ne reste pas confiné dans cet endroit ; ii irradie et se fait sentir dans toute l’enveloppe, laquelle, en vertu de son irrégularité même, est tiraillée inégalement dans tous les sens. Si maintenant on passe de ce point à un autre, le changement qui se manifestera dans la périphérie sera, en général, d’autant plus considérable que le second point sera plus éloigné du premier. Je dis en général ; car si le corps présentait une certaine régularité par rapport à un certain axe, s’il avait

  1. À propos de l’article de M. Binet (Voir livraison de septembre 1880).