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morale de l’autre, qu’on fasse aussi grande [qu’on voudra la part des lois immuables, aussi petit qu’on voudra le champ qu’elles laissent à l’originalité ; qu’on rende compte enfin, si on le peut, de la manière dont nous pouvons modifier nous-mêmes notre caractère, et livrer à l’action fatale de ces lois des actes spontanés que nous disons nôtres et dont nous revendiquons la responsabilité : toujours est-il qu’il faut prendre parti sur ce point, et qu’avant de s’en être expliqué on n’a pas le droit de parler à la fois le langage de la morale et celui du pur naturalisme le langage positiviste et le langage kantien.

Mais voilà bien des critiques pour quelques phrases malencontreuses que l’auteur sans doute a écrites sans les peser, sans y attacher d’importance. Il songeait uniquement, j’imagine, à cette transition de la morale païenne à la morale chrétienne dont il était d’autant plus occupé qu’il s’interdisait à regret d’en faire son objet d’étude. Si je me suis trop arrêté à des assertions non méditées, qu’il me le pardonne ; elles m’ont choqué surtout parce qu’elles ne donnent pas une idée juste du livre, qui, en lui-même, est excellent. Il eût gagné à être montré sous son vrai jour ; il méritait d’être présenté pour la seconde fois au public par une préface moins surannée.

Henri Marion.

W. Wundt. — Der Aberglaube in der wissenschaft. — (Separatabdruck aus Unsere Zeit).

Un article de M. Wundt est toujours bienvenu dans le monde philosophique. On est certain d’y trouver l’érudition unie à la science et au bon sens.

L’Unsere Zeit vient de publier de lui quelques pages substantielles sur la Superstition dans la Science. Il y continue la lutte qu’il a entreprise contre l’invasion du spiritisme dans un domaine où l’on ne pouvait s’attendre à le voir.

La superstition, dit le savant professeur de Leipzig, prend place entre la foi et la science, en ce qu’elle attribue au supra-sensible des effets ou des caractères sensibles. Elle ne revêt pas toujours la même forme, et on ne lui a pas toujours assigné son caractère propre. C’est ainsi qu’au moyen âge l’Église traitait de superstitieuse la croyance aux sorciers et aux démons, non qu’elle niât leur existence ou leur puissance, mais parce que s’y livrer c’était le plus grave de tous les péchés.

Dans l’antiquité, comme de nos jours encore chez le peuple ou parmi les sauvages, la superstition était religieuse. Dans les temps modernes, elle s’est mise à afficher des prétentions scientifiques. Elle implique alors la croyance à l’immixtion immédiate dans le champ de l’expérience sensible, de certaines forces supra-sensibles qui restent néanmoins non soumises aux lois naturelles. C’est en quoi elle se distingue de l’erreur ou de la science erronée, telles, par exemple, que la phy-