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quons celle-ci : dans un dialecte donné du grec ancien comme l’attique, si l’on croit trouver l’application de deux lois phonétiques parallèles, il faut nécessairement que les faits que l’on serait tenté de rapporter à l’une d’elles résultent d’une contamination analogique ; ainsi les doublets βάθος et βένθος, πάθος et πένθος ne peuvent dériver d’un même antécédent, ce qui supposerait l’exercice simultané de deux lois phonétiques différentes agissant dans des conditions identiques. Or βένθος et πένθος sont, quant au radical, conformes à la plupart des formations des neutres en os, et seuls réguliers ; donc βάθος et πάθος présentent des formations artificielles d’après l’analogie de βαθύς et de ἔπαθον.

Les déductions de ce genre sont constantes dans la nouvelle école ; s’en servir est ce qu’on appelle user des bonnes méthodes ; les négliger c’est faire acte d’oubli des principes sévères et des sages procédés dont il n’est plus permis désormais de s’écarter sans encourir une juste défiance, etc., etc.

Il faut remarquer qu’elles supposent, d’après l’exemple donné, que tous les matériaux linguistiques que nous possédons sous le nom d’attique — tous sans exclusion — résultent, eu égard au proto-grec, de transformations dues à l’exercice de lois phonétiques constantes, ou des fameuses contaminations analogiques en question (autrement βάθος et πάθος pourraient être réguliers).

Or voici qu’un adepte et des plus zélés, M. J. Psichari, sans avoir l’air de se douter du coup mortel qu’il porte à la doctrine, nous fait voir que pareille hypothèse est inadmissible. À la suite d’une enquête très minutieuse qu’il a faite personnellement dans différentes localités où l’on parle le grec moderne, et en particulier dans l’île de Chio, il est obligé de convenir, d’une part, que « la pureté de langage (c’est-à-dire le développement linguistique basé exclusivement sur le jeu de lois phonétiques tout à fait constantes) qu’on est obligé d’admettre à l’origine, ne peut avoir existé que dans une communauté dérobée à toute influence extérieure » ; et, secondement, que cette pureté n’existe dans aucun des lieux qu’il a visités. Il ajoute, il est vrai : « Nous ne pouvons pas affirmer à l’heure actuelle qu’il ne se trouve pas de villages dans ces conditions (de pureté idéale)[1]. » La seule chose sûre en tout ceci, c’est que personne n’en a jamais vu jusqu’à ce jour, et M. Psichari pas plus que d’autres.

Du reste, M. Henry dans le compte rendu, qu’il a donné à la Revue

  1. J. Psichari, Quelques observations sur la phonétique des patois et leur influence sur les langues communes. Dans la Revue des patois gallo-romains, nos 5 et 6, 1888.