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DAURIAC.la doctrine biologique de m. delbœuf

sa tâche, devra céder la place à de plus dignes de vivre. La mort a donc pour cause, d’une part la multiplicité des fonctions organiques, de l’autre, leur subordination à la fonction génératrice. Entre la mort d’une monère et la mort des parents affaiblis par l’âge, les choses se passent à peu près de même : là, l’individu psychique meurt, la substance organique reste et s’accroît par l’addition d’une matière nouvelle ; ici l’individu psychique meurt et aussi l’individu physiologique parce que l’existence de cet individu physiologique n’a d’importance qu’en vue de la protection du noyau : celui-ci change de siège et chaque fois qu’il se déplace il se segmente ; dans ce cas comme dans le cas de la monère, au fond, il y a fissiparité. Sans doute le germe transmis enveloppe une multiplicité virtuelle de fonctions et d’organes destinés à une évolution et à une différenciation progressives ; il n’importe, dans cette particule effrayante de petitesse, l’imagination du biologiste aperçoit tout un monde en raccourci ; cette molécule n’est pas un atome, mais une colonie d’atomes, elle est comme l’organisme de l’adulte dont la matière est en partie fluente, en partie stable, puisqu’elle porte en elle les traits caractéristiques de la race et les traits caractéristiques de l’individu futur.

On ne s’étonnera pas de nous entendre dire que l’imagination du lecteur a peine à suivre celle du philosophe, et que M. Delbœuf est plus prompt à persuader qu’à convaincre ; on se surprend lui donnant raison avant de l’avoir compris ; la simplicité de ses explications est contagieuse, et l’on a peine à se ressaisir, non seulement pour examiner ce qu’elles valent, mais encore, et ceci est plus grave, pour se rendre compte de tout ce qu’elles contiennent d’ingénieux ou de profond, de plausible ou de décidément inacceptable. On se perd aisément dans cette longue suite de conjectures, où les faits, s’ils tiennent une grande place, n’en tiennent pas assez pour apaiser les inquiétudes ou lever les scrupules du biologiste ou même du simple philosophe.

Une seule thèse, une seule, d’une grande portée, sachons le reconnaître, fera selon nous l’intérêt durable de ce brillant essai de biologie générale. C’est celle qui, remaniant le plan de construction de l’univers, fait devancer l’inorganique par l’organique. M. Delbœuf aura eu des devanciers, Preyer entre autres, mais il est allé plus loin que Preyer. Le physiologiste allemand déclare que, à ses yeux, l’origine des choses se confond avec celle des êtres proprement dits, c’est-à-dire des êtres vivants. Le professeur de Liège fonde cette théorie sur des bases nouvelles, il l’assoit sur ce principe de la fixation de