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la force, qui naguère lui servait à l’explication de deux grands faits psychologiques, la mémoire et la liberté.

Qui sait ? il y a peut-être plus de cohésion dans les idées de M. Delbœuf que nous n’en avions annoncé en commençant. Parfois on la soupçonne, on la pressent, on se croit sur le point de la surprendre, aussi bien chaque livre confirme ce qui a été dit dans un livre précédent et le continue à quelques égards. Et pourtant l’unité de la doctrine échappe, et les sources d’inspiration ont beau se rapprocher par moment, jamais elles n’arrivent à se rejoindre. La faute pourrait n’être point de M. Delbœuf, mais de la nature : « La réalité, dit Lotze, est plus riche que la pensée. » Qui sait si elle n’est pas plus incohérente et si la monomanie de vouloir introduire de l’ordre et de l’unité dans sa pensée n’est pas la plus ordinaire des erreurs en philosophie ?

Cette monomanie étant chez nous incurable, nous n’en avons pas moins pris plaisir à lire M. Delbœuf, et ce plaisir s’est doublé chaque fois que nous avons cru le comprendre, ce qui a bien dû nous arriver quelquefois malgré notre profonde ignorance biologique. Son dernier ouvrage est une fort belle œuvre, elle surprend, elle déconcerte, elle provoque dans l’esprit du lecteur des résistances difficiles ou impossibles à vaincre. Nous en connaissons peu parmi les livres de même volume et de même étendue qui fassent autant penser.

Lionel Dauriac.