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analyses. — susanna rubinstein. Psychologische Studien.

Introduire le bien dans le monde et l’y faire régner, telle est notre tâche que la nature ne peut remplir pour nous. Mais elle ne travaille pas non plus en un sens contraire aux fins de la moralité et l’on peut la porter à les servir. Sans doute le monde n’a point de prières à recevoir de nous, mais il mérite de provoquer notre joie, car il est beau et plein de splendeur, et le bien y domine. Quant au mal et à la souffrance, il n’en est pas responsable, car il ne les a pas voulus. Et comme l’homme n’est pas l’œuvre d’un être personnel et doué de volonté, il ne peut rejeter sa responsabilité sur un tel être : il reste seul l’objet d’un jugement moral. Il est indépendant. Mais si ce n’est point un Dieu qui lui donne des ordres, ni une nature qui lui impose des fins, sa conscience du moins lui intime ce commandement : Donne à ta vie une fin morale. »

G. Belot.

Susanna Rubinstein. — Aus der Innenwelt. Psychologische Studien (Leipzig, Edelmann, 1888, 211 p. in-8o).

Les grandes écoles de philosophie, écrivait un critique allemand au sujet des Essays de cette autoresse, ont eu presque toutes un représentant parmi les femmes ; les néo-platoniciens ont eu leur Hypatie, les sensualistes français leur Sophie Germain ; l’école de Herbart possède aujourd’hui Susanna Rubinstein. Mlle Rubinstein, en effet, procède de Herbart ; elle se rattache à ce maître par Volkmann et par Nahlowsky, auxquels on verra qu’elle emprunte beaucoup de citations. J’ai déjà parlé ici des seconds Essais de physiologie et d’esthétique. Le présent volume est formé de sept études, qui se rapportent, comme l’indique le titre, à notre monde intérieur, — caractère, humeur, sympathie, sentiment esthétique, sommeil et vie nocturne de l’âme, sensations en général, sensations de couleurs concomitantes.

Ces études sont agréablement écrites, et elles ne laissent guère à désirer sous le rapport de l’érudition. On lira avec plaisir les trois premières, où Mlle Rubinstein analyse quelquefois très finement les qualités des deux sexes : chez l’homme, la volonté, qui est le vrai fonds du caractère ; chez la femme, le sentiment (fühlen), qui est l’essence de l’humeur (gemüth). On trouvera dans la quatrième une histoire des doctrines esthétiques très bien présentée. Elle n’oublie pas, dans cette histoire, de mentionner le beau travail de cette Sophie Germain, dont on a prononcé le nom en parlant d’elle, travail qui offre avec la théorie esthétique de Wundt une étroite parenté, autant du moins que Sophie Germain a montré la valeur de l’idée d’ordre, d’unité, de symétrie, dans les constructions diverses du génie humain.

L’étude sur le sommeil est également intéressante. L’intention personnelle de Mlle Rubinstein à été ici de ramener les faits variés de l’hypnose, des hallucinations morbides et de la vision mystique, aux éléments simples du rêve, c’est-à-dire à une combinaison des images déposées dans les centres nerveux et qui échappent présentement à la