Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
253
BÉNARD.la mimique dans le système des beaux-arts

peut être réformé, purifié, que l’on veut soumettre à des règles sévères, nous savons ce qu’on doit en penser quant à sa puissance de représentation et à son assimilation à la poésie et à la musique.

La conclusion est celle-ci. Dès que la mimique ou l’art chorégraphique cesse de s’allier à d’autres genres de représentation, dès qu’il se sépare de la forme symbolique, religieuse, guerrière, etc., pour se constituer en art libre ou indépendant ayant en lui-même son objet propre, la représentation du beau, il décline et déchoit ; même allié à la musique et à l’art dramatique, il perd son importance et sa dignité. Pur amusement ou divertissement, il descend subitement dans l’échelle des arts et vient se placer aux degrés inférieurs, où il est à peine un art.

Il y a plus : à sa fin propre et qui devrait être la principale, se joignent d’autres fins qui la remplacent et la font déchoir encore plus, le plaisir de la volupté sensuelle. Ce n’est plus la satisfaction pure et désintéressée du beau qui est son objet principal, mais d’autres plaisirs d’un ordre inférieur ou dangereux.

Nous n’insisterons pas sur ce point, mais les apologistes auront beau faire, dire que cet art peut être ennobli, réformé, corrigé, purifié et par là placé au niveau des autres arts, cette nouvelle katharsis ou purification ne nous paraît guère possible et, en tout cas, ne pourrait suffire pour l’élever au rang auquel il aspire dans le système des arts.

V

On voit combien sont faibles ou insuffisantes les raisons en faveur de la mimique comme devant être rangée parmi les arts principaux dont l’objet est la représentation idéale du beau, et fournir ainsi l’anneau qu’on dit nécessaire pour rétablir le lien entre les deux groupes dans le système des beaux-arts.

Mais il est une autre raison selon nous de cette infériorité qui n’a pas été assez remarquée et sur laquelle nous devons particulièrement insister. Le point dont il s’agit ici intéresse à la fois l’esthétique et la morale. La métaphysique de l’art elle-même n’y est pas tout à fait étrangère. Qu’on veuille bien nous permettre de le traiter sous la forme un peu abstraite qui convient à ces sortes de problèmes.

Le but de l’art, comme représentation du beau, est d’exprimer la vérité sous des formes sensibles.

Or, ici, en ce qui concerne la mimique, le signe représentatif de l’idée quel est-il ? On le sait, ce signe, instrument de toute représentation ou imitation, c’est le corps humain, réel, présent et visible. C’est