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à la sculpture, et que le jeu de la physionomie n’y pût être exprimé[1] ? Nous n’avons pas à traiter ce sujet, mais à montrer l’alliance des deux arts et la subordination de l’un à l’autre.

Quant à l’artiste mimique, à l’acteur ou à l’orateur, bien des exemples prouvent qu’il ne leur est pas inutile d’étudier à leur tour les œuvres de la statuaire pour apprendre à mieux connaître le secret des formes, des poses, des attitudes, du maintien et des gestes, tout ce qui peut donner de la beauté, de la noblesse, etc.

II. Ce qui est vrai de la sculpture l’est également de la Peinture. Entre elle et la mimique les rapports sont réels. Les deux arts semblent encore ici davantage se rapprocher.

L’objet qu’ils représentent est en grande partie le même. Ce que la peinture, dans les tableaux, de préférence et principalement exprime ou représente, n’est-ce pas l’homme et la vie humaine, la figure humaine, les scènes de la vie humaine, c’est-à-dire ce que la mimique, à son tour, également exprime, imite ou représente ? Il y a plus : grâce à ses moyens de représentation, la peinture abandonne ce calme ou ce repos relatif qui caractérise les œuvres de la sculpture. Elle est beaucoup moins abstraite et moins simple, moins générale et plus concrète.

Le mouvement, l’action, la passion, l’expression pathétique y sont beaucoup plus fortement accusés. L’individualité est beaucoup plus marquée dans les personnages.

Les scènes de la vie humaine y apparaissent en un cadre plus étendu, y sont plus variées, plus multipliées ; elles apparaissent avec tous leurs détails et leurs accessoires. Le peintre a ici un moyen de représentation, la couleur, qui rend avec plus de vivacité la réalité, l’intensité de la vie.

Par là, en effet, la peinture et la mimique se rapprochent et offrent des points réels de ressemblance ; mais ceux-ci ne doivent pas faire oublier les différences qui les séparent et qui rendent l’un des deux impuissant à remplacer l’autre et l’obligent à se subordonner.

Comme tous les arts du dessin, la peinture ne donne que des apparences. Les objets sont distribués sur une surface plane qui ne doit être vue et contemplée qu’en face et d’un seul côté. L’apparence qu’elle met sous nos yeux n’est qu’une simple surface colorée. Les

  1. « La danse mimique devrait, à proprement parler, servir de base à tous les arts figuratifs. Si le charme qu’elle exerce sur les sens est très vif, il est momentané et fugitif. Aussi cet art, pour produire ce charme, doit pousser ses moyens à l’extrême. C’est là ce qui effraye heureusement les artistes. Cependant, avec de la prudence et de la circonspection, ils trouveraient ici beaucoup à prendre. » (Gœthe, Maximes et Réflexions, p. 85, tr. fr.)