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réintégration du postulat de la liberté humaine : notre siècle ayant substitué au cogito ergo sum de Descartes le volo ergo sum, par un consensus des philosophies les plus différentes, p. 43, et la volonté, reconnue le grand moteur par Kant et par Schopenhauer, par Spinoza et par Maine de Biran, annulant son propre déterminisme, se faisant libre par l’amour, au sens où Saint-Simon a écrit que « la liberté de l’homme consiste à aimer ce qu’il doit faire », p. 46 ; nécessité d’une métaphysique où l’on essaye d’expliquer le monde et d’en marquer le but ; nécessité d’une religion qui incline vers ce but la volonté des hommes, et qui ait le don de les émouvoir, non pas seulement de les convaincre : la religion pouvant être définie « la synthèse esthétique d’un système de philosophie », p. 85.

En psychologie, restauration du moi ; souci d’une théorie de la connaissance. « Le système d’Herbert Spencer, écrit M. Guéroult, l’idée d’une harmonie s’établissant peu à peu entre le moi et le monde extérieur, sous l’influence de contacts, de frottements mutuels et incessamment répétés, devient l’une des hypothèses les plus satisfaisantes et les plus grandioses qui aient jamais été proposées pour expliquer l’évolution, le progrès dans l’univers. Mais c’est à la condition de ne pas ôter toute signification aux termes employés, au moi, au monde extérieur, à la sensation qui forme le lien entre eux », p. 64. Bref, il convient d’accepter « les conditions métaphysiques de la perception et de la sensation établies par le sens commun, par la langue, et confirmées par l’analyse de Kant, p. 65. Mais comment expliquer alors toute une catégorie de faits aujourd’hui incontestables, comment attribuer à l’action du moi conscient, permanent de l’ancienne école, les actions réflexes, le travail inconscient de l’instinct, de la mémoire, la double conscience, etc., etc. ? M. Guéroult pose lui-même l’objection, et il pense qu’elle peut être levée au moyen d’une hypothèse fournie par la théorie des Colonies animales, de Perrier. Rien n’empêcherait « de supposer, dans la vie intellectuelle et mentale, aussi bien que dans la vie corporelle, une association d’organismes, je dirai de moi de même famille, de même nature, groupés suivant un ordre hiérarchique », p. 63 ; les organismes « en sous-ordre pouvant raisonner, agir pour leur compte, avoir conscience de leurs actes ; actes, raisonnements, conscience, auxquels le moi supérieur reste aussi complètement étranger que s’il s’agissait d’une autre personne », p. 70.

En mathématiques, la critique des systèmes à n dimensions l’amène à écrire qu’ « il y a donc dans le concept d’espace quelque chose d’autre que les relations mutuelles de trois variables continues », un quelque chose qui ne saurait « prendre naissance par la coordination d’un nombre quelconque de variables », p. 235.

En physique, il tente de ramener le concept fondamental de l’atome, par exemple, au fait de la sensation, telle que la psycho-physique l’a étudiée. L’idée de point matériel, d’atome, etc., répondrait à la conception d’un minimum semblable, au moins pour tous les êtres homo-