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notices bibliographiques


Telle est l’idée mère du travail de M. Arréat. Elle est évidemment juste et neuve. Il a cherché à la réaliser par une revue rapide des œuvres importantes de toutes les littératures. On ne peut qu’admirer son érudition et l’adresse avec laquelle il passe de Corneille à Homère, d’Homère aux Niebelungen et de ceux-ci aux livres hindous. Peut-être désirerait-on un ordre plus apparent et un plus grand respect de la chronologie. Les conclusions en deviendraient plus nettes et plus probantes. Peut-être aussi la série des chapitres offre-t-elle une suite plus extérieure que véritable. Pour parler franc, le livre est mal composé, on pourrait presque dire qu’il ne l’est pas. La netteté des résultats de l’ensemble en souffre, mais les détails sont charmants, le style est à la fois vivant et précis. Enfin, l’abondance des documents bien choisis fait qu’il n’est pas seulement intéressant pour l’amateur, mais encore indispensable au travailleur. En voilà assez pour justifier l’épuisement rapide de la première édition.

Les chapitres que l’auteur a ajoutés ou considérablement remaniés dans cette édition sont : le VIIe : l’Art et la Morale, le IXe : les Héros pathologiques, le Xe : l’Évolution de la race. Dans un livre sur la morale en littérature il semblait difficile de ne pas parler des rapports de la morale et de l’art, cette vieille question rajeunie récemment par les remarquables articles de M. Paul Stapfer dans la Revue bleue. M. Arréat conclut à l’indépendance de l’art, mais il ne croit pas qu’une œuvre d’art puisse être belle si elle est véritablement immorale. La morale n’est pas une fin à laquelle l’art doive s’asservir, mais une règle qu’il ne peut enfreindre sans grave danger.

Dans le chapitre sur les Héros pathologiques, M. Arréat étudie la folie au théâtre et dans le roman et, dans celui qu’il appelle l’Évolution de la race, il montre d’une façon plus spéciale l’évolution des idées morales à travers l’histoire, leurs différences d’époque à époque et de race à race. Il conclut au retour périodique des mêmes idées et des mêmes sentiments en morale comme en tout le reste. Il croit seulement que cette répétition et ces recommencements sont progressifs. L’humanité ne tourne pas dans un cercle, sa marche incessante décrit une spirale et en paraissant revenir sur ses pas s’éloigne constamment de son point initial. Nous ne pouvons sur ce point comme en beaucoup d’autres que nous ranger à l’avis de M. Arréat. Les littérateurs et les philosophes lui doivent les uns et les autres des remerciements pour toutes les idées qu’il lève au passage et pour les documents qu’il leur rappelle ou qu’il leur indique.

G. Fonsegrive.

J. Putsage. — Études de science réelle, in-8o. Paris, Alcan, 1888. Sous ce titre, M. Putsage essaye de défendre un spiritualisme sans Dieu. Il tient le Dieu matière et le Dieu esprit pour deux hypothèses également absurdes ; il rejette la finalité ; il croit que l’âme est simple,