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janet. — la géographie de la philosophie

cendre, dit-on, la philosophie du ciel sur la terre, c’est-à-dire qu’il écarta les recherches physiques et cosmogoniques pour se livrer à la psychologie et à la morale ; mais, en même temps, il fit une révolution dans l’art de raisonner par son inimitable maïeutique, le plus merveilleux instrument pour la liberté de l’esprit.

Aussi, à partir du siècle de Périclès, dont Socrate était contemporain, la pensée philosophique se concentra à Athènes. Ses principaux disciples, Xénophon, Platon, Antisthène sont Athéniens. S’il se produit encore quelques mouvements philosophiques sur la circonférence hellénique, à Cyrène, sur les côtés de l’Afrique, à Mégare dans la Grèce du Nord, ce n’est plus qu’un rayonnement de la philosophie attique. Aristippe, le chef de l’école cyrénaïque, Euclide, celui de l’école de Mégare, sont l’un et l’autre disciples de Socrate. Ils sont venus à Athènes pour l’écouter : preuve que sa réputation s’étendait au loin, et que l’on savait déjà où il fallait aller pour apprendre la philosophie.

Après Socrate, la philosophie se fixe à Athènes pour plusieurs siècles. Platon, le premier, y fonda un enseignement régulier, une école proprement dite : ce fut ce qu’on appela l’Académie. Cette école, avec diverses vicissitudes de doctrine, dura jusqu’au Ier siècle avant notre ère. L’ancienne Académie d’abord, avec Speusippe et Xénocrate, la nouvelle Académie ensuite, avec Arcésilas et Carnéade, continuèrent l’œuvre de Platon là où il l’avait fondée. C’est encore à Athènes que fut créée une seconde grande école philosophique à côté de l’Académie, celle du Lycée. Aristote, le fondateur de cette seconde école, n’est pas d’Athènes ; il est de la Grèce du Nord, de Stagyre, ville de Thrace. Il passa plusieurs années à la cour de Philippe, roi de Macédoine ; mais il avait appris la philosophie à Athènes, à l’école de Platon ; puis il fonda sa propre école à côté de la sienne, école qui dura après lui comme celle de l’Académie. Théophraste la continua ; et il y avait encore à Athènes une école péripatéticienne à l’époque de Cicéron, puisque son fils était venu à Athènes suivre les leçons du péripatéticien Cratype.

Ce n’est pas seulement l’école de Platon, ou l’école d’Aristote qui se sont fixées à Athènes après Socrate : ce sont encore l’école épicurienne et l’école stoïcienne. Épicure était d’Athènes comme Platon ; il y passa toute sa vie qui fut longue et qui s’étend du ive au iiie siècle. Le fondateur de l’école rivale, de l’école stoïcienne, Zénon, n’était pas d’Athènes ; il était né à Citium dans l’île de Chypre ; mais, attiré à Athènes pour des affaires de commerce, il fut entraîné vers la philosophie en fréquentant les derniers représentants de l’école cynique, école secondaire, issue également de Socrate, comme toutes les autres