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Ici, cependant, il ne faut pas s’exagérer le sens de cette expression : école d’Alexandrie. Plotin, à la vérité, est né à Alexandrie et y a reçu les leçons d’Ammonius Saccas ; mais il a passé une grande partie de sa vie à Rome, y a enseigné pendant douze ans et y est mort. Porphyre, son disciple, est né également à Alexandrie et vint également à Rome. Rome a donc été pour sa part dans la formation et la propagation du néo-platonisme. Ce fut cependant à Alexandrie que Porphyre après la mort de Plotin a transporté son école, et ce fut là que Jamblique lui succéda.

Alexandrie continua à être un centre d’études et de spéculations philosophiques jusqu’au ive siècle. À cette époque, l’intolérance chrétienne, devenue de plus en plus menaçante, commença à en rendre le séjour dangereux. On sait que la célèbre Hypatie fut massacrée dans une émeute de chrétiens fanatiques. Dès lors la philosophie abandonna ce séjour inhospitalier, et elle vint redemander un renouvellement d’éclat et un reste de sécurité à la vieille et illustre capitale des études antiques et des croyances païennes, à la ville de Socrate, à Athènes. La réforme de Julien avait arrêté un instant le cours triomphant du christianisme, et avait donné un nouveau stimulant à l’hellénisme. Athènes était restée intacte au milieu du renouvellement universel. Ce fut vers ce temps que Plutarque le vieux (qu’il ne faut pas confondre avec le célèbre biographe) introduisit à Athènes les idées alexandrines. Il eut pour successeur Syrianus, qui lui-même eut pour successeur le célèbre Proclus, rénovateur et second fondateur de la philosophie néo-platonicienne, le représentant le plus illustre de ce qu’on appela l’école d’Athènes, la dernière grande école grecque. Cette école dura jusqu’au commencement du viie siècle. La chaire était alors occupée par Damascius, qui, indépendamment de son mérite personnel, a cette gloire dans l’histoire d’avoir été le dernier philosophe classique de la Grèce, comme Thalès en a été le premier. En 529, l’empereur Justinien, dominé par ses préjugé devots et superstitieux, se prononça contre la philosophie. Il ferma l’école d’Athènes ; les maîtres de cette école, Simplicius et Damascius, en même temps que le dernier Alexandrin Olympiodore furent obligés de quitter la Grèce, et se réfugièrent en Asie, à la cour du roi Chosroès, connu par son goût pour les études philosophiques et les études grecques. Ce goût nous est attesté par un écrit de Priscien, intitulé : Solutiones rerum de quibus dubitavit Chosroes Persarum rex. Il paraît que deux ou trois ans après cette hégyre, Chosroès, ayant fait la paix avec Justinien, stipula dans son traité avec cet empereur que les philosophes exilés pourraient rentrer dans leur patrie. Il est donc probable que les trois