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janet. — la géographie de la philosophie

Voici, par exemple, les principaux personnages du moyen âge, dont les noms se rattachent à l’histoire de l’Université de Paris. Alexandre de Hales, né en Angleterre, fit ses études à Paris, et y séjourna jusqu’en 1258. Il appartenait à l’ordre des franciscains, Robert de Lincoln (ou Robert Grossetête), né dans le comté de Suffolk, fit ses études à Oxford, mais il vint à Paris se perfectionner auprès des maîtres en philosophie. Guillaume d’Auvergne, Vincent de Beauvais enseignèrent à Paris. Jean de la Rochelle, franciscain comme Alexandre de Hales, lui succéda dans sa chaire en 1938. Albert le Grand, dominicain, ayant fait ses études à Padoue, fut envoyé à Paris en 1245, et il y enseigna trois ans, jusqu’en 1248, époque où, d’après l’ordre de ses supérieurs, il retourna à Cologne ; puis il alla à Rome pour y plaider la cause des moines contre l’université de Paris. Saint Thomas d’Aquin, né en Italie, près d’Aquino, eut pour maîtres à Cologne Albert le Grand et le suivit à Paris ; il y reçut le doctorat, et enseigna lui-même comme son maître Albert le Grand. Il plaida, comme lui, à Rome la cause des ordres mendiants contre le représentant de l’Université de Paris, Guillaume de Saint-Amour. Jean Fidenza Bonaventure, né à Orvieto (1221), étudia à Paris sous Alexandre de Hales et Jean de la Rochelle ; il enseigna également, en même temps que saint Thomas d’Aquin, et avec celui-ci défendit la cause des ordres religieux contre l’Université. Cette lutte des moines et de l’Université nous prouve combien on considérait comme important de s’assurer la possession de la ville de Paris, pour y exercer l’influence théologique et philosophique. Ces trois noms (Albert le Grand, saint Thomas, saint Bonaventure) appartiennent à l’ordre des dominicains ; Roger Bacon et Duns Scot sont l’un et l’autre franciscains. Le premier, né en 1214 en Angleterre, dans le comté de Somerset vint faire ses études en France dans l’Université de Paris : on dit même qu’il y enseigna. Duns Scot, né également dans la Grande-Bretagne, enseigna d’abord à Oxford, puis à Paris, où il reçut le grade de docteur. Le même fait se continua au xive siècle. Raymond Lulle, né à Palma dans l’île de Majorque, après beaucoup d’aventures, vint comme les autres à Paris, où il enseigna le Grand Art. Guillaume d’Ockam, né dans la province de Surrey, suivit à Paris les leçons de Duns Scot ; on ne nous dit pas s’il y enseigna.

Ainsi, le fait général qui ressort de tous ces faits, c’est que si Paris n’a produit réellement aucun des grands hommes qui ont illustré la philosophie du moyen âge ; si, d’un autre côté, il y eut diverses écoles importantes en Europe, à Oxford, à Cologne, à Rouen, Paris fut cependant considéré comme le lieu de concentration, où l’on