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venait de toutes parts. Nul ne se croyait un maître véritable, s’il n’avait étudié, reçu ses grades, ou même enseigné à Paris. La diversité d’origine est elle-même une preuve de ce fait : car comment se serait-on rencontré de tant de côté divers, s’il n’y avait eu une tradition, une opinion qui faisait de Paris la tête du mouvement philosophique ? C’est là le trait caractéristique de la philosophie au moyen âge.

III

Comment est née maintenant et par quels chemins a passé la philosophie moderne ? C’est le dernier point à examiner pour achever cette étude.

Si l’on met à part le mouvement mystique allemand qui se développa sur les bords du Rhin au xive siècle et dont les principaux représentants sont Tauler, Suso, Ruysbroeck, et surtout maître Eckart, mouvement qui plus tard, par Nicolas de Küss (xve siècle) et Jacob Boehme (xvie), se transmit à la philosophie allemande moderne, mais qui resta en dehors de l’évolution générale de la philosophie européenne ; si, dis-je, on excepte ce mouvement, on peut dire que la philosophie de la Renaissance eut pour centre l’Italie, comme celle du moyen âge avait eu la France.

L’événement capital et décisif, ce fut la réapparition de manuscrits grecs en Occident. Sans doute, il faut accorder que la rupture de l’Occident avec l’Orient grec n’avait pas été absolue, que les croisades n’avaient pas été sans quelque influence, qu’il y avait eu quelque infiltration de la science grecque. Au xive siècle déjà, Pétrarque savait le grec et avait en sa possession des manuscrits grecs. Mais deux événements importants précipitèrent le mouvement de la restauration grecque en Occident. Ce fut d’abord le concile de Florence qui avait eu pour but la réunion des deux Églises, l’Église romaine et l’Église grecque, et en second lieu la conquête de Constantinople par les Turcs, qui chassa en Europe un grand nombre de savants. Mais le premier événement est de beaucoup le plus important au point de vue philosophique.

Le concile de Florence en effet, en 1440, a été le point de départ de la restauration du platonisme dans les écoles d’Occident. Parmi les représentants de l’Église grecque à ce concile, se trouvaient plusieurs personnages dont le nom est mêlé à cette œuvre de restauration platonicienne, et qui ont eu le plus grand retentissement dans la première moitié du xve siècle. C’étaient Gémiste Pléthon, Théodore de Gaza, Gennadius, Georges de Trébizonde et le cardinal Bessarion. Le premier, Pléthon, platonicien passionné, avait composé un écrit sur la Diffe-