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LE CONTRASTE, LE RYTHME, LA MESURE


Qu’est-ce que le contraste, le rythme, la mesure ? Les philosophes ont toujours accordé la plus grande importance à ces concepts, non seulement dans le monde subjectif, mais encore dans le milieu social et dans la nature. Il suffit de rappeler les grands noms de Pythagore, de Platon et de Kepler. Chacun sait que, dans ce siècle, Charles Fourier a fondé une théorie de l’association sur ce qu’il appelle des séries passionnelles, ensembles de groupes d’individus dont les goûts seraient gradués et contrastés entre eux de manière à produire l’enthousiasme par la mise en jeu de l’émulation et des divers ressorts de la nature humaine, et qui seraient convenablement affiliés avec d’autres de manière à rendre le travail attrayant par une variété convenable d’occupations. Sans prétendre discuter l’applicabilité du système de Fourier, je note son idée comme une intuition remarquable du rôle que pourrait jouer dans l’association d’êtres intelligents devenus normaux une théorie scientifique complète du contraste, du rythme, de la mesure.

Si de l’histoire de la philosophie nous passons à l’histoire de la science, nous rencontrons Léonard de Vinci parmi les premiers qui aient connu le contraste dans le domaine de la vision.

En 1754, le père Scherffer, précisant les phénomènes du contraste successif, montra qu’une couleur quelconque produit la sensation d’une couleur accidentelle, connue depuis sous le nom de complémentaire. Le savant jésuite nota quelques phénomènes de contraste simultané, mais sans en préciser la loi.

C’est à Chevreul qu’on doit l’énoncé de cette loi et une intuition nette de l’importance subjective du contraste. Voici cet énoncé : « Dans le cas où l’œil voit en même temps deux couleurs contiguës, il les voit le plus dissemblables possible quant à leur composition optique et quant à la hauteur de leur ton. » On peut formuler plus clairement cette loi : « Si deux couleurs juxtaposées sont perçues simultanément, chacune évoque sur la portion d’elle-même contigué à l’autre la complémentaire de cette autre. » Chevreul, à la