Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
revue philosophique

général, dans la vie normale psycho-physiologique plus est grande la part de l’âme, plus il y a de périodicités, en un mot de rythme ; plus est grande la part du mécanisme physiologique, plus il y a régularité indéfinie, en un mot mesure. Si on voulait figurer géométriquement les définitions de M. Charles Lévêque, on devrait, pour exprimer le plus simplement possible la périodicité du repos qui, dans le rythme, limite un groupe de mesures, représenter celles-ci par des arcs de cercles égaux comptés à partir d’un point d’origine qui marquerait le repos en revenant à leur point de départ ; en effet le cercle est la plus simple des courbes fermées. La répétition indéfinie de groupes d’intervalles identiques, caractéristique de la mesure, se représenterait nécessairement par des segments égaux de droite, qui pourraient, dans le cas des temps forts, devenir des rectangles de largeur proportionnelle à l’intensité. Cela reviendrait à considérer les mesures, éléments constitutifs du rythme, comme des angles et les mesures prises en elles-mêmes comme des droites. C’est précisément le point de vue auquel j’ai été conduit par une voie bien différente.

Je me suis posé le problème de définir et d’étudier mathématiquement ces fonctions de contraste, de rythme et de mesure ; mais comme ce sont à la fois des fonctions psychiques et des fonctions physiologiques, il s’agissait de relier les fonctions psychiques à des phénomènes d’expression susceptibles de détermination mathématique et de préciser un principe dont on pût ensuite déduire des nombres normaux.

I

S’il est un fait bien acquis par la psychologie contemporaine, c’est qu’il n’y a pas d’idée ni de sensation sans expression consciente ou non et sans modifications physiques corrélatives. L’expression est la manifestation d’une sensation ou d’une idée par les mouvements le plus souvent volontaires et conscients de la vie de relation : locomotion, station, voix, langage, mimique, et par les mouvements le plus souvent involontaires et inconscients de la vie dite animale : circulation, respiration, digestion, sécrétion.

Il n’y à pas de sensation sans modification motrice des organes. Si on regarde fixement un objet sans déplacer l’axe visuel, et sans fermer les paupières, la vision devient indistincte, on peut même obtenir les phénomènes d’hypnotisme sur lesquels Braid a, le premier, appelé l’attention. Réciproquement, un mouvement modéré de l’objet lumineux rend la vision plus facile. Si on palpe un objet sans déplacer le doigt, toute notion de contact disparaît au bout