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diamètre et faiblement éclairé, cet objet paraît se mouvoir. La vitesse angulaire du déplacement apparent est en moyenne de 2° à 3° par seconde ; la direction du déplacement est variable ; le plus souvent, pour l’auteur, l’objet paraît filer suivant une ligne courbe allant de bas en haut, et de dedans en dehors : ce sont les directions normales ; l’étendue totale du déplacement peut atteindre et dépasser 30°, c’est-à-dire un douzième de la circonférence ; ces points sont à noter. Il suffit de songer à voir un autre objet, ou à exécuter un acte dans une certaine direction pour provoquer le déplacement apparent de l’objet dans ce sens. L’observateur peut faire volontairement subir à son regard de petits déplacements en divers sens autour de l’objet considéré, sans cesser de percevoir le mouvement continu de celui-ci dans la direction primitive, et même l’illusion persiste dans la vision indirecte pour tous les points de fixation du regard. Ce n’est pas l’œil qui accomplit lui-même le mouvement, puisque, l’œil regardant vers le haut, l’objet devrait paraître filer vers le bas et réciproquement ; supposons, au contraire, en même temps l’idée d’un second objet, par exemple, une porte qui se ferme, la prise de possession virtuelle de cet objet par nos appareils de’préhension, l’idée changeant d’objet, ces appareils se déplaceront et le premier objet paraîtra se mouvoir dans le sens du second. On conçoit que le jalonnement successif par la main donne à notre appréciation de la direction une sûreté que la vision binoculaire, la diplopie monoculaire et le mouvement des yeux ne permettraient pas.

Toute notion, si abstraite qu’elle soit, ne saurait exister indépendamment d’une représentation soit visuelle, soit auditive, soit musculaire, soit verbale. L’attention de l’esprit à des idées abstraites a les mêmes signes extérieurs que l’attention fixée sur un objet concret ; si l’idée est claire, l’expression est celle de la vision ou de l’audition distincte ; si l’idée est obscure, l’expression est celle de la vision ou de l’audition confuse. Celui qui écoute un raisonnement difficile même exprimé en sons intenses a l’attitude de l’auditeur d’un son vague. Les difficultés idéales arrêtent court dans la marche le sujet pensant de même que des enchaînements faciles de faits psychiques accélèrent la marche : c’est exactement l’influence directe d’un objet concret attirant ou repoussant. Penser à une forme, c’est la dessiner plus ou moins par le geste. C’est pourquoi l’écriture a commencé par la peinture directe des idées quand il s’agissait d’objects concrets, symbolique, quand il s’agissait d’exprimer des objets abstraits. Les écritures phonétiques ont débuté également par des idéogrammes qui représentaient par image un objet et par rébus un autre exprimé par le même son.