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aucune sensation, en pleine santé, si ce n’est une sorte de bien-être résultant de la bonne distribution des humeurs. Ce sont là des mouvements insensibles, inconscients, bien plus merveilleux que ceux qui frappent nos sens. On voit que la considération de la vitalité inconsciente n’est point oubliée.

Mais comment l’image de l’objet passe-t-elle si vite jusqu’aux centres nerveux ? Par le même mécanisme que la lumière, quand il n’y a point d’obstacle à son passage. L’action a lieu par continuité, comme dans l’attraction du fer par l’aimant. C’est de la sorte que les qualités premières, la chaleur et le froid, par exemple, introduites chez l’animal, déterminent le mouvement, comme chez nous la sensation. L’origine des nerfs éprouve un changement de vitalité, dont le mécanisme est occulte. Quel que soit le désir de l’auteur d’assimiler les fonctions vitales aux phénomènes physiques, il n’élude point l’objection qui naît de ce rapprochement de la vie et de la mécanique. L’attraction de l’aimant et de l’ambre est permanente ; et l’attraction se prolonge autant que les corps qui l’exercent et ceux qui la subissent sont en présence et à portée ; tandis que l’étalon rassasié de paître ou de saillir ne tend plus vers l’herbe ou la jument.

La conclusion est qu’il faut distinguer entre le mouvement purement physique et la fonction vitale, cui objectioni respondendo, dico semper arguentem decipi, collatione entis moti mere naturaliter ad ens vitale. Il semble que cette distinction capitale doive favoriser le système de l’automatisme universel, sans faire intervenir une qualité motrice qui pousse l’animal à jeun et non quand il est repu. Si l’auteur avait développé sa pensée, on aurait pu croire qu’il se rendait compte de cette loi de l’intermittence qui règle toutes les fonctions vitales, y compris la nutrition. Cette loi de l’alternance vitale, dont l’étude est à peine ébauchée, se retrouve en psychologie, où elle est fondamentale et généralement méconnue, notamment dans ce qu’on appelle l’observation interne, où le sujet et l’objet de l’observation sont aussi distincts que le nominatif et l’accusatif. La confusion vient de ce que l’on a cru constater la simultanéité là où il n’y a que succession rapide. Van Helmont le père vit une fois son âme sous la forme d’une petite flamme bleue. Voilà du moins de la psychologie objective.

Malgré la distinction établie entre les deux mouvements physique et vital, l’auteur revient à la similitude du fer saturé d’aimant et de l’animal repu. Les mouvements d’aversion qui éloignent la brebis du loup, le rat du chat, le bœuf du lion, ne diffèrent pas au fond des précédents. Dans ces actes réflexes il n’y a point de conscience.