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guardia. — philosophes espagnols

C’est ainsi qu’il entend l’instinct, sans la réflexion, puisqu’il n’admet point d’états de conscience passagers. Il n’accordera point, comme La Fontaine, que le chien de chasse puisse philosopher en courant sur la piste du cerf. La divergence ne vient que de l’habitude consacrée d’attribuer la conscience à l’inconscient. Le réalisme, qui donne corps à toutes les conceptions, en concrétant l’abstrait, a peuplé d’ombres la caverne de Platon où la métaphysique vit d’idéal. Ce sont ces fantômes qui obscurcissent encore l’horizon philosophique. Quelques rayons filtrent à peine à travers les nuages : c’est l’obscurité qui domine.

Pour expliquer le second ordre de mouvements des bêtes, il suppose des images formées de certains corpuscules impondérables, qui émanent des objets extérieurs et qui continuent d’agir en leur absence, en affectant la région antérieure du cerveau, de manière à ramener la connaissance des choses déjà connues. Quand ils n’affectent point le cerveau antérieur, ces corpuscules sont conservés dans le département du cerveau postérieur, où est le magasin de la mémoire ; de sorte qu’ils peuvent en sortir pour aller affecter la région du sinciput qui connaît abstractivement. Ce sont ces corpuscules qui, progressant d’arrière en avant, rappellent aux bêtes le souvenir des lieux fréquentés, et les y ramènent. On remarquera qu’ici les facultés établies par la division classique ne sont plus emprisonnées dans les ventricules, comme dans la psychologie galénique, ni concentrées en un seul point, comme l’âme de Descartes, logée dans la glande pinéale. Ces corpuscules qui voyagent d’arrière en avant sont l’élément concret de la connaissance abstraite, ombres d’une extrême ténuité, mais ombres, enfin, du corps qu’elles représentent. Si subtils que soient les esprits, ils émanent du corps, comme les fumées de la bête perceptibles à l’odorat du chien. La préoccupation d’écarter l’abstraction pure est telle que, par un rapprochement qui lui est familier, il remarque, à propos de ce mécanisme, que cela n’est pas plus étonnant que de rêver d’urine ou de défécation, lorsqu’il y a plénitude de la vessie ou de l’intestin. On sait que, dans ces cas, les réflexes représentent la conscience organique. Il s’agit de savoir si c’est l’âme endormie avec toute la machine qui resserre ou relâche les sphincters, comme le veulent les animistes, malgré l’origine céleste de leur idole. Ces comparaisons imprévues et positives sont bien d’un médecin habitué aux réalités de la vie. Avec une logique implacable, il assure que le trop-plein de ces excréments met en mouvement les corpuscules qui excitent la faculté expulsive, en les poussant vers la région supérieure où s’opère la connaissance abstractive, qui les reconnaît en effet abs-