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tractivement, durant le sommeil. Ni Cabanis ni Broussais n’ont rien dit de pareil ; et l’homme-machine de Lamétrie, qui descend en droite ligne de Descartes, n’a pas poussé aussi loin les conséquences de la doctrine physiologique de la sensation. Ce n’est pas sans dessein que le médecin-philosophe insiste sur ces détails qui n’entrent point dans nos cours de philosophie classique. En toute occasion, l’animalité intervient pour rappeler la science de l’homme à la réalité. Au fond, la thèse de l’automatisme des bêtes sert de prétexte à un essai de psychologie comparative.

Le mécanisme est identique, chez la bête et l’homme, pour le souvenir par association, que Platon appelle réminiscence, à l’état de veille, qu’il soit volontaire ou involontaire. C’est ainsi que la vue du serviteur ou du cheval d’un ami nous rappelle cet ami. Même concours de circonstances concomitantes chez l’animal, sic brutis accidere. On remarquera que, jusqu’ici, l’âme n’intervient point, et que les bêtes n’ont pas d’âme. Cependant le mécanisme de l’impression et de la mémoire est pareil, identique, chez l’animal et chez l’homme. La conclusion est claire et facile à tirer. Pour ce sceptique, l’âme n’est qu’un mythe, une formule, ce qu’était la vertu pour Brutus désabusé, la girouette de son édifice, comme disait Barthez du principe vital. Ces images qui supposent toujours l’objet, même absent, meuvent les bêtes par le mécanisme que voici. À l’occiput des animaux se trouve une sorte de compartiment où se conservent les vives images des objets perçus par les sens, imagines conduntur, exactement comme chez l’homme, qua in re simillimi brulis sumus. Il y a pourtant une différence. Chez l’homme, outre ce pouvoir conservateur des images (la mémoire), il y a au sinciput une autre faculté par laquelle nous connaissons les objets d’où proviennent les images, pourvu que, de la région postérieure du cerveau soit tirée cette image dont nous désirons connaître l’original, cuius parentem noscere volumus, et qu’elle soit présentée à la région antérieure, où siège la connaissance abstraite. Chez les animaux, dépourvus de raisonnement, et incapables de juger des objets, présents ou absents, il y a quelque chose d’équivalent, à la région postérieure, une faculté devant laquelle l’image de l’objet absent se présentant, les membres de l’animal se meuvent forcément, de la même manière qu’ils se mouvaient en présence de l’objet réel, l’animal étant affecté de même que lorsque l’image se produisit pour la première fois.

C’est d’après ce mécanisme qu’il explique les aboiements du chien et les mouvements des animaux pendant le sommeil ; en comparant, toute proportion gardée, cette faculté de reproduire les images et