Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
395
guardia. — philosophes espagnols

d’exciter les mouvements à notre faculté de connaître par abstraction. Illa enim compelluntur moveri in somno, phantasmatibus præsentatis illi parti syncipitis, quæ proportionatur nostræ cognoscenti abstractive, velut in vigilia visis rebus movebantur. En montant de l’animal à l’homme, en descendant de l’homme à l’animal, il établit une gradation ascendante ou descendante, suivant la méthode comparative, particulièrement avantageuse dans l’étude de l’évolution des phénomènes organiques.

Esprit critique encore plus que dogmatique, Gomez Pereira ne manque pas de signaler les exceptions et de prévenir les objections. C’est ainsi qu’il traite des animaux savants ; tels sont ceux qui obéissent à la parole ou qui l’imitent, perroquets, merles, singes, chiens, et autres bêtes plus ou moins dociles. Ïl a recours à la physique animale. Les mouvements de l’air qui produisent la voix sont en rapport avec les organes appropriés à la production des sons. L’air agité par la bouche et par l’appareil vocal se meut conformément aux mouvements de ces organes. Pénétrant jusqu’à l’ouïe et allant frapper cette partie du cerveau d’où naissent les nerfs moteurs de l’appareil vocal, il les excite à se mouvoir selon qu’il a été mû lui-même. Du reste, ajoute-t-il avec ironie, si l’on voulait invoquer la nature, la cause occulte, la solution serait aisée. Mais la propriété occulte n’a que faire là où l’on peut saisir toutes les causes intermédiaires entre le fait initial et ses dernières conséquences. Ce qui veut dire : à quoi bon l’hypothèse et la conjecture, quand on peut voir les choses comme elles sont ? Il est clair que la métaphysique est de trop partout où la physique suffit. C’est ainsi qu’il a fallu renoncer à l’axiome : la nature a horreur du vide : et à celui-ci : la nature ne fait rien en vain ; et à cet autre : la nature est infaillible.

La propriété occulte est une formule commode pour signaler les lacunes et stimuler la curiosité. Ce libre esprit n’emprunte rien au dogme qui a réponse à tout, indépendamment de l’inépuisable réserve du mystère et du miracle. Aussi se plaît-il aux comparaisons mécaniques. Après avoir exposé le mécanisme des mouvements de l’air dans la production des sons, il parle de la toupie qui tourne selon le mouvement imprimé par les spirales de la corde qui a servi à la lancer avec force. On a pu voir que son procédé consiste à étendre les questions au lieu de les restreindre en les isolant. Loin d’éluder les difficultés, il les fait naître : il est ingénieux à se créer des obstacles, à soulever des objections, au point d’assurer qu’on ne saurait lui en faire une seule qu’il n’ait prévue. Il ne veut point d’adhésion par surprise ; preuve évidente de sa force et de sa