Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
397
guardia. — philosophes espagnols

niques, passent pour les avoir empruntées aux Cartésiens. Il est probable que Stahl avait plus appris de Gomez Pereira que de Descartes. Il devait connaître, ainsi que Leibniz, l’édition de l’Antoniana Margarita publiée à Francfort en 1610.

Comment se fait-il que les oiseaux jaseurs parlent sans qu’on parle devant eux ? C’est parce que l’image de la parole se conserve dans cette partie de leur cerveau dont la faculté répond, toute proportion gardée, à celle de nos connaissances abstraites. Ces images se produisent sous l’influence des humeurs et des esprits mis en mouvement dans ce réduit où elles sont en dépôt, tant chez l’animal que chez l’homme. Les images sont gaies ou tristes, selon que c’est le sang ou l’humeur mélancolique qui afflue au cerveau. sic brutis talia aut talia phantasmata praesentari, qualia humor dominans, vel agilitas phantasmatum poscunt. Chez l’animal et chez l’homme, l’habitude peut beaucoup. Il suffit que certaines images se meuvent plus agilement pour que la bête rêve, et elle rêve le plus souvent des événements du jour.

Autre question. Les images conservées par la mémoire sont-elles des corps ou des accidents de la substance ? On demande ensuite si les images sont perçues comme des objets, et si les objets sont perçus par la connaissance abstraite. Avant de répondre, l’auteur rappelle que la mémoire siège dans l’arrière-chambre du cerveau, sitam in posteriore cellula cerebri animalium, et il engage le lecteur à ne point repousser ses vues, parce qu’elles ne sont pas communes. Il ne s’agit point de géographie, dit-il, mais de phénomènes externes et internes de l’âme, phénomènes dont chacun a conscience ; ce qui fait dire à Aristote, au début du traité de l’Âme, qu’il n’y a point de science qui soit plus certaine que la psychologie. Qu’on ne s’étonne donc pas s’il s’écarte parfois de l’opinion reçue par la majorité, et même par la totalité des philosophes, car il n’a pas éprouvé ce qu’ils ont dit, in me non experiens ea quæ li dixerunt. Et non seulement il oppose son expérience personnelle à celle des maîtres, à leur autorité ; mais il nie la vérité de leurs assertions, se faisant fort de montrer qu’il est impossible qu’ils aient éprouvé ce qu’ils affirment.

Voilà donc l’autorité du nombre mise en échec par l’expérience d’un seul, en tant que la vérité naît de l’expérience, source de la connaissance. Mais la connaissance est ou intuitive, ou abstraite. La distinction est capitale. Faute de l’avoir faite, le doute et l’erreur ont envahi la science de la pensée. Il faut donc étudier cette question : Quid sit aliquam rem cognoscere intuitive, et quid