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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


P. Souriau. L’esthétique du mouvement. Paris, Alcan, 1389, 331 p. in-8o. (Bibliothèque de philosophie contemporaine.)

Toutes les questions d’esthétique, générale ou spéciale, reviennent à celles-ci : qu’est-ce que le plaisir du beau ? à quels objets répond ce plaisir, en dehors de nous ? Quelles sont les conditions, psychologiques et sociales, de la naissance et du développement des différents arts ? Dans la construction des choses que nous disons belles et des arts qui les traduisent, entrent les éléments les plus variés. Il est possible, dès lors, d’étudier l’emploi de ces éléments sensibles dans les arts, et le lecteur cherchera avec curiosité, dans le livre de M. S., les lois de la reproduction artistique du mouvement, rapportées à celles qui le règlent dans la réalité vivante[1]. Son attente ne sera pas tout à fait remplie ; il y trouvera au moins de précieuses remarques.

M. S. a considéré expressément : 1° le déterminisme du mouvement ; 2o les conditions requises pour que le mouvement ait une valeur esthétique, réduites à trois qu’il étudie sous ces titres : la beauté mécanique, l’expression, l’agrément sensible (perception).

L’anatomie seule ne nous fait pas connaître le jeu intérieur de la machine animale. Le déterminisme mécanique est compliqué d’un déterminisme psychologique, très délicat, dont M. S. s’occupe de préférence. Plaisir du mouvement, déplaisir de l’effort, lois de l’attitude, rythme naturel des mouvements, tels sont les chapitres de la première partie, assez sommaires malgré les détails. Une large part reste d’ailleurs à la fantaisie dans l’interprétation des faits. « Regardez, écrit M. S., un enfant à la balançoire : à chaque élan qui le porte en haut, quelle expression de fierté ! » Mais quelle émotion agréable aussi, il m’en souvient, dans le mouvement de chute ! Il nous est pénible, écrit encore M. S., de marcher dans du sable, dans de la neige molle ; « nous souffrons de nous fatiguer tant pour si peu avancer. » Je l’accorde, si nous avons besoin de marcher vite et longtemps. Mais qui de

  1. Le sujet même resterait ainsi assez mal délimité. La peinture, la sculpture, ne représentent que le mouvement arrêté : et c’est pourquoi (M. S. nous en donnera un exemple tout à l’heure) la pose d’une figure ne saurait être exactement, au moins dans tous les cas, celle que le déterminisme du mouvement indiquerait à l’artiste. L’architecture n’a qu’un rapport très indirect avec les lois du mouvement. Dans la musique seule, le mouvement est un moyen d’expression immédiat ; la phrase musicale coule, a une allure changeante.