Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/455

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
445
notices bibliographiques

parties essentielles du moi, on peut donc dire hardiment : chaque homme porte en soi les germes d’une double personnalité. »

2o Les faits de double personnalité (le cas de Félida X., etc.) et d’anesthésie hystérique (expériences de M. Binet) ; faits qui se distinguent des précédents en ce qu’ils nous montrent séparé ce qui était réuni. On connaît les expériences desquelles M. Binet a pu conclure que, « chez l’hystérique, il se produit une image visuelle à la suite de l’excitation tactile d’une région insensible. » Selon M. D., si tout ce procès de l’excitation tactile à la représentation dans le cerveau, échappe à la connaissance du sujet, il se joue pourtant dans la conscience. « C’est la conscience inférieure qui reçoit l’impression, reconnaît l’objet en forme et en étendue d’espace, et fournit en un mot les conditions premières d’une perception visuelle. La conscience supérieure ne reçoit que le résultat tout préparé, et ne comprend pas de quoi il s’agit, parce qu’elle ignore l’origine du phénomène. »

3o Les faits d’hypnose provoquée, ou répétition de la double personnalité du somnambulisme naturel. Le moi qui accomplit l’ordre donné par suggestion est encore une activité intellectuelle, est un sous-moi. L’automatisme dans l’hypnose serait exactement comparable à l’automatisme ordinaire et s’expliquerait par le dédoublement. L’écriture médiumnique des spirites n’est-elle pas un cas du même genre ? M. D. en retrace ainsi les phases : « Au premier stade, écrit-il, l’expérimentateur sait encore ce qu’il écrit, mais il sent la chose comme indépendante de sa volonté. Si la conscience inférieure devient plus libre et gouverne davantage le mouvement de la plume, l’opérateur cesse alors de connaître ce qu’il écrit, et il remarque avec étonnement que ses pensées et ses sentiments les plus cachés ont parfois été dévoilés. La dualité est-elle complète, le sujet ne prend plus garde du tout que la main écrit, et il peut en même temps s’occuper d’autre chose sans gêne aucune, causer avec les personnes présentes, etc. Enfin il peut arriver aussi que le « médium écrivant » tombe en état hypnotique au milieu de la séance, ce qui signifie, d’après le catéchisme spirite, un plein lever dans l’esprit « contrôleur ». Pour nous, ce fait montre que, lorsque l’écriture automatique demande à l’activité psychique au delà de ses forces, en qualité ou en quantité, le moi normal sombre pour un temps au-dessous du niveau de la conscience, et le second moi, celui qui écrit, gagne la prééminence. »

Ce qui me paraît chaque jour plus évident, c’est, je l’ai écrit ailleurs, que tous les moments de l’hypnose peuvent être rattachés à des états observables chez des sujets sains ou pathologiques : sommeil, rêves, hallucinations, somnambulisme provoqué, sont, au fond, des phénomènes voisins, et M. D. leur a cherché une explication commune. —

Lucien Arréat.