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SUR L’ORIGINE ET LA VALEUR

DE L’IDÉE DE RACINE ET DE SUFFIXE

DANS LES LANGUES INDO-EUROPÉENNES[1]


Que faut-il entendre au juste par une racine ? Telle est la question que les grammairiens proprement dits, d’un côté, et les philosophes, de l’autre, posent avec insistance aux linguistes, sans que ceux-ci soient parvenus jusqu’à présent, à ce qu’il semble, à satisfaire pleinement la curiosité bien naturelle de leurs interrogateurs.

Ce qui va suivre aura pour objet de dégager la réponse à cette demande que suggèrent, dans le domaine des langues indo-européennes, l’histoire de la grammaire et l’examen des faits grammaticaux.

J’ai essayé autrefois de montrer comment l’école de Bopp avait dépassé la portée des observations des grammairiens de l’Inde ancienne à propos des différents degrés du vocalisme sanscrit[2]. Là où ceux-ci n’avaient eu en vue qu’un but essentiellement pratique et mnémotechnique, on voulut voir un dessein d’explication, ou tout au moins on s’efforça d’interpréter les faits comme si les classifications tout empiriques de Pânini impliquaient des notions certaines sur les rapports historiques ou chronologiques des phénomènes grammaticaux dont il s’est occupé. Ainsi, Pânini étant parti de l’état faible du vocalisme sanscrit pour donner la formule des deux états forts (guna et vriddhi), on se hâta d’en tirer la conclusion que l’état faible était le point de départ réel des états forts et, par suite, que la théorie du renforcement devait servir de base à toute explication du vocalisme des idiomes indo-européens. Alors que tous les faits observables nous

  1. Ce travail a été l’objet d’une lecture à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, séance du 14 juin dernier.
  2. Dans une Linguistique évolutionniste.