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A. FOUILLÉE.le sentiment de l’effort

commençons pas par agir « sur des muscles », mais bien sur des images motrices, répondant à des mouvements cérébraux. Puis il y a « transmission de l’influx nerveux à travers la couronne rayonnante aux corps striés, à la couche inférieure du pédoncule cérébral, au bulbe, puis, après croisement, à la moelle épinière, aux nerfs, et ainsi finalement aux muscles ». Les muscles n’arrivent donc qu’au bout d’une longue série d’intermédiaires ; comment prétendre alors que l’action soit uniquement musculaire ? Elle a été d’abord cérébrale et nerveuse. En outre, si on demande sur quoi la volonté a agi, on voit qu’elle a d’abord agi sur des images, soit pour les accepter, soit pour les refuser, et parce que ces images étaient agréables ou désagréables ; or, ces images sont elles-mêmes des sensations affaiblies ; en dernière analyse, c’est donc un rapport du désir à la sensation agréable ou pénible qui constitue la réaction de la volonté : c’est en tant que retenant la sensation agréable ou repoussant la sensation pénible que nous avons primitivement un sentiment d’effort volontaire, d’effort mental. Les muscles sont des organes subordonnés qui n’entrent en jeu que secondairement, quoiqu’ils y entrent toujours dans l’acte de volonté, et ce ne sont pas les sensations musculaires qui constituent la conscience de la réaction.

Il en est de même pour ce cas particulier de l’effort volontaire qu’on nomme l’attention. M. Ribot adopte l’hypothèse de Fechner, qui a dit : « Le sentiment d’effort de l’attention ne me paraît être qu’un sentiment musculaire (Muskelgefühl). » Ce sentiment d’effort dans l’attention, ajoute M. Ribot, « a son origine dans ces états physiques tant de fois énumérés, conditions nécessaires de l’attention ; il n’est que leur répercussion dans la conscience. Il dépend de la quantité et de la qualité des contractions musculaires, des modifications organiques, etc. Son point de départ est périphérique, comme pour toute autre sensation[1]. » M. Ribot, selon nous, a bien montré que toute attention, ayant toujours pour objet quelque image, aboutit finalement à un effet sur les muscles, par conséquent à une sensation musculaire en retour ; mais il n’a point démontré que l’attention commence par agir sur les muscles, qu’elle se réduise en elle-même à la sensation afférente et périphérique d’un muscle contracté. Un volume entier d’exemples prouvant que toute attention se répercute sur les muscles ne démontrerait pas que la réaction de la volonté attentive soit en elle-même une sensation passive venant des muscles contractés. Il est évident que notre attention, ne pouvant s’exercer sur elle seule, s’exerce sur un objet, et que tout objet

  1. Revue philosophique, p. 511.