Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVIII, 1889.djvu/591

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
581
A. FOUILLÉE.le sentiment de l’effort

en tant qu’appliqués à telles représentations et influant sur elles : elle étudie, par exemple, l’effort intellectuel de l’attention, l’effort volontaire, l’effort cérébral corrélatif, l’effort musculaire, etc. De plus le psychologue doit, d’une manière générale, poser l’activité mentale comme donnée première de la conscience et principe irréductible de la science psychologique. Si l’idée de l’action est impossible à déraciner de l’esprit humain, si elle se retrouve sous les idées d’effort, de force, de cause, d’efficacité, de volonté, etc., c’est qu’elle répond à un processus constant de la conscience. Prétendre que ce processus est lui-même un mode de sensation, une manière de pâtir sans agir ni réagir, c’est une pure hypothèse, contraire aux faits, et par elle-même inintelligible, puisque tout se trouve passif sans rien d’actif. Ce que nous avons dit de l’action, on peut le dire aussi de l’être, de la vie, de la conscience, avec lesquels d’ailleurs l’action ne fait qu’un. Nous sommes certains de notre existence, non comme d’une existence abstraite et générale, mais comme d’une existence réelle qui est immanente à tous nos états successifs ; et, pourtant, nous ne pouvons nous représenter ni penser à part ce qu’est être. De même, nous sommes certains de vivre, mais essayez de vous représenter ce qu’est vivre. Nous sommes certains d’avoir conscience, mais essayez de vous représenter ce qu’est avoir conscience.

La critique du savoir découvre deux limites : ce qui est au delà de notre atteinte, et ce qui est trop près de nous, trop nous-même, pour être posé devant nous. « Parce qu’on ne peut voir ses yeux, a-t-on dit, ce n’est pas une raison pour prétendre qu’on n’ait pas d’yeux » ; de même, si l’activité de la pensée ne peut se voir comme un objet, ce n’est pas une raison pour que le psychologue en méconnaisse ou en néglige les effets. Ceux qui refusent l’activité à la conscience considérée dans sa totalité et dans son unité sont obligés d’attribuer l’activité à ses éléments, de dire que ces éléments, — par exemple les idées, les représentations, les états de conscience, — « luttent » ensemble, qu’ils agissent et réagissent[1] ; il faut donc toujours, sous une forme ou sous une autre, admettre quelque part une activité. Il y a là un élément ultime qui est la limite de la connaissance proprement dite, c’est-à-dire de la représentation. C’est pour cette raison, nous l’avons vu, que l’existence même de cette activité a pu être niée ; mais l’impossibilité de représenter sous la forme d’un état particulier ce qui est un facteur commun et essentiel de tous nos états, ne prouve nullement que l’activité n’existe point et même n’ait pas conscience de son existence. Ce qui est vrai, c’est

  1. Les associationnistes et Herbart.