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que la notion abstraite et générale d’activité n’exprime point une faculté réelle et distincte de ses actes concrets, une entité ontologique aussi illégitime en psychologie que la vertu dormitive en physiologie. Mais ce qui est en question pour le psychologue, ce n’est pas l’existence d’une activité comme faculté, c’est l’existence de l’action même, de l’action réelle, de l’agir inséparable du pâtir ; or, c’est cette action dont nous avons perpétuellement conscience dans tous nos états concrets et notamment dans tous nos efforts, quoique nous ne puissions, encore une fois, l’imaginer à part sous la forme passive d’une sensation affaiblie. En un mot, le sujet, quelle qu’en soit la nature ultime, ne peut se saisir lui-même comme tel ou tel objet. Le sujet est présent à lui-même, mais non représenté à lui-même ; il a conscience, mais il n’a pas conscience de soi comme d’un changement particulier, ni comme d’un état particulier, quoiqu’il n’acquière la conscience distincte et claire de soi que dans des changements et des états offrant eux-mêmes distinction et clarté. Il est encore moins une substance cachée derrière les faits intérieurs ; cette substance métaphysique, loin de pouvoir être un sujet, serait encore un nouvel objet ajouté aux autres, et de plus un objet inconnaissable. Le psychologue ne peut donc, en dernière analyse, concevoir le sujet voulant et pensant que comme une action rencontrant une résistance sentie et réagissant contre cette résistance par l’effort mental. dont l’effort cérébral est le corrélatif immédiat et dont l’effort musculaire n’est qu’une expression déjà lointaine.

Alfred Fouillée.