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PHILOSOPHES ESPAGNOLS

GOMEZ PEREIRA

(Suite[1].)

La question qu’il aborde ensuite, sans être tout à fait neuve, n’était pas alors rebattue. Tout n’a pas été dit sur l’instinct des animaux. Rarement l’esprit scientifique a guidé les nombreux auteurs qui en ont écrit. Les uns n’ont fait que recueillir des anecdotes ; les autres ont donné des observations personnelles. Beaucoup ont soutenu une thèse, avec des préjugés ou des opinions préconçues, sans parler de ceux qui ont laissé courir leur imagination en un sujet aussi grave. C’est en effet de la psychologie animale que sortira tôt ou tard la psychologie comparée. Gomez Pereira s’amuse à rapporter les faits entassés par les compilateurs sur les ruses des animaux, leurs industries, leurs talents. Rien ne lui est inconnu de ce qu’on avait écrit avant lui sur l’esprit des bêtes. On peut dire que l’animalité tint une place considérable dans la société et dans les lettres, avant l’histoire naturelle. Le moyen âge renchérit encore sur l’antiquité par la fable et le miracle. Les bestiaires préparèrent l’épopée du roman du Renard, qui lui-même prépara l’incomparable ménagerie de La Fontaine et les animaux parlants de Casti. La légende tenait lieu de la science, même en plein xvie siècle, où l’on voit notre auteur alléguer les anecdotes de Pline. Il est vrai que ces historiettes lui fournissent des arguments contre les partisans d’une psychologie animale qui allait jusqu’à reconnaître aux bêtes l’esprit d’induction, jusqu’à leur accorder la faculté de raisonner subtilement, comme des êtres raisonnables. Sans dépasser le but, les pages qu’il a écrites là-dessus sont très fortes. C’est une réaction légitime contre la manie générale de rapporter à la raison et au raisonnement les actes les plus vulgaires de la vie animale. Si excessive qu’elle paraisse, elle a servi, en somme, et les suites en ont été bonnes. La doctrine de l’automatisme étant la négation radi-

  1. Voir les numéros de septembre et octobre 1889.