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cale d’une croyance fausse et à peu près universelle, elle devait provoquer la curiosité scientifique. La question des réflexes et des impulsions instinctives devait surgir comme la conséquence forcée de l’observation plus exacte des faits et de l’anatomie des nerfs et des muscles.

Pour Gomez Pereira l’instinct n’est point l’action réflexe avec la conscience en plus ; c’est l’action réflexe, avec un élément indéfini, qu’on pourrait appeler la conscience organique, quelque chose de comparable au sens musculaire. Avant Descartes, le médecin philosophe fondait la mécanique et la dynamique animales par le doute poussé jusqu’à la négation. C’est par là que sa réaction fut salutaire. Dans toute cette partie, il raisonne en dehors de l’hypothèse de l’âme.

Les précautions du chat faisant pendant la nuit la chasse aux souris font l’admiration des observateurs. Il n’y contredit point ; mais il recherche la cause de ces mouvements variés de la bête en chasse. La question n’est pas de savoir si le chat a une âme, mais d’expliquer comment il agit n’en ayant pas. La négation de l’âme animale est le pivot de toute la doctrine, l’axiome primordial. Raisonnant en philosophe naturaliste, et non en théologien, il déclare s’adresser, non aux ignorants, ni aux croyants, mais aux esprits éclairés par la connaissance des écrits d’Aristote sur la Nature, antérieurs au traité de l’Âme qui en est le corollaire, et en particulier aux médecins. Il ne séparait donc point la philosophie de l’histoire naturelle et de la médecine ; il écrivait pour des lecteurs instruits des choses de la nature.

La semence du mâle, dit-il, renferme un esprit dont les effets sont admirables, bien qu’il n’y ait là aucune sensibilité ; et, de fait, il serait absurde d’admettre que l’esprit séminal eût la faculté de sentir, étant lui-même insensible. L’exemple n’est pas bien choisi, puisque l’hypothèse est chimérique ; mais le raisonnement est spécieux, sans être irréprochable. Le cerveau, qui est le grand appareil de la sensibilité, passe pour être insensible. En raisonnant par analogie, en concluant de l’organe à la fonction, il serait aisé de soutenir la thèse d’une conscience inconsciente. Combien n’y a-t-il pas de faits de conscience inconscients ? Et qui ne sait que la conscience elle-même devient inconsciente ? Ces vérités sont familières à quiconque a parcouru le vaste domaine de l’inconscient. La vie primordiale, élémentaire, rudimentaire, s’ignore, est inconsciente, comme l’élément inorganique dont elle vit, et qui peut devenir conscient par assimilation de l’élément organique, de même que l’organique se désorganise. Mouvement, sensibilité, conscience, autant de manifestations et degrés de la vie. Ce qui peut étonner, c’est le choix de l’exemple.