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GUARDIA.philosophes espagnols

On ne savait rien alors du zoosperme et de l’ovule. La question fondamentale de l’hérédité existait à peine à l’état empirique. Or, à cette question se rattachent les origines de l’âme et l’évolution première des phénomènes psychologiques. Il faut se souvenir du milieu où philosophait cet esprit subtil. Les conséquences qu’il tire des merveilles accomplies dans la formation du corps par cet esprit générateur dépourvu de sensibilité sont également applicables à l’homme ; mais il est entendu qu’à l’homme seul a été donnée l’âme. Quoi d’étonnant que l’animal, dont le corps est si compliqué, produise tant de mouvements divers sans conscience, sine ulla vi sentiendi, étant instruit par la même cause qui a instruit, sans qu’il s’en doutât, ipso non sentiente, cet esprit qui se rencontre dans la formation de l’homme, du cheval, du chat, ou de tout autre animal ? L’homme est ici placé au même rang que les animaux : égalité d’origine, d’organisation, de formation et, pour ainsi dire, de cause. Si vous appelez cette cause première, ajoute-t-il, je l’accorderai ; si vous l’appelez une intelligence infaillible, je n’y contredirai point, et si vous l’appelez force occulte, je ne dirai pas non. Quel que soit son nom, c’est elle qui apprend aux animaux ces mouvements naturels, instinctifs.

Ces deux épithètes complètent l’idée de l’auteur ; en remontant à la génération et à la formation du fœtus, il a voulu marquer ce qui est inné, héréditaire, inhérent à la race et à l’espèce. Les mouvements de la nutrition, non moins merveilleux que ceux de la génération et de la formation du fœtus, s’opèrent aussi sans la sensibilité, sine ulla sensus discretione. Rapprocher la nutrition de la génération, en ce temps-là, n’est point le fait d’un esprit vulgaire ; et mettre en parallèle les états de conscience et les phénomènes inconscients de la vie, c’est le propre d’un philosophe très éclairé, d’un médecin philosophe. Évidemment cet homme-là ne vivait point dans les nuages, il ne hantait point ces hautes régions où la sagesse va chercher la sérénité, et se rencontre avec le charlatanisme. Il voyait les choses de près, comme les observateurs. La coction des aliments, l’assimilation des éléments nutritifs, les sécrétions, les excrétions, ce sont là, dit-il, des fonctions communes aux animaux et à l’homme. Ces comparaisons entre l’humanité et l’animalité ne sont ni moins fréquentes ni moins significatives que les rapprochements entre les phénomènes vitaux et ceux du monde inorganique. Ce ne sont pas là les tendances d’un animiste, d’un cartésien. Loin d’isoler l’homme, il l’observe à son rang et dans le milieu où s’accomplissent ses fonctions de tout ordre.

Examinant les historiettes de Pline sur les fauves cléments ou implorant l’assistance de l’homme, au lieu de discuter ces faits sus-