Page:Ribié - Geneviève de Brabant, 1804.djvu/11

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mourra dans mon sein… Mon époux arrive-t-il aujourd’hui ?

Golo.

Non, madame.

Geneviève.

Mais cependant il est attendu.

Golo.

Madame !…

Geneviève.

Lui serait-il arrivé quelque… Ah ! parlez monsieur, parlez ; votre silence me tue.

Golo.

Madame, voici deux lettres ;… l’une est de moi et l’autre de Sifroi… Je suis maître, encore de lui faire changer de résolution. Quant à moi, mes sentimens sont les mêmes ;… c’est à vous, de régler vos destinées… Je vous laisse un moment réfléchir, et je viendrais savoir votre réponse.

(Il sort.)

SCÈNE VII.

Les mêmes ; excepté GOLO.

Geneviève.

Que veut-il dire ? Deux lettres… Une de Sifroi, une autre de Golo… Ah ! lisons, lisons celle de mon époux. Un tremblement général, dont j’ignore la cause me fait frissonner malgré moi. (Elle lit la lettre qui suit, et par gradations la pâleur se peint sur son visage.)

« Mon brave et ami, j’ai vu cent fois la mort prête à me frapper ; j’ai vu tomber à mes côtés mes amis, mes parens les plus chers. Je suis homme et sensible, et j’ai souffert, sans doute… Mais rien n’approche du coup mortel que tu m’as porté, en m’apprenant que la femme qui vit dans mon cœur, celle enfin à qui je rapportais ma gloire et mon amour, oubliant tout principe, a pu trahir l’époux le plus tendre, et le plus malheureux. Sans toi, cher ami, sans cette délicatesse qui accompagne toutes les actions, de ta vie, j’allais tomber encore aux genoux de la perfide !… Comment pourrais-je reconnaître envers toi ce signalé service. Je vais ralentir la marche de mes compagnons d’armes et la mienne jusqu’à demain, pour te donner le tems de soustraire, par les moyens que tu jugeras convenables, cette femme qui, toute criminnelle qu’elle est, je le sens, sera toujours la maîtresse de mes destinées. Adieu ; demain j’embrasserai le meilleur mes amis. » Sifroi.

(A la fin de la lettre, elle se laisse tomber en jettant un cri lamentable.)

Ah ! malheureuse ! voici le dernier instant de ma vie.