Page:Ribié - Geneviève de Brabant, 1804.djvu/18

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Golo.

Et je suis digne de ce doux épanchement ; mais au nom du ciel calmez votre douleur, et cachez vos larmes à l’ami trop sensible qui sent couler les siennes. Si l’amour vous a trahi, un sentiment moins vif, mais plus doux, vous consolera.

Sifroi.

Non, jamais, jamais ; laisse-moi me noyer dans mes pleurs. (Il tire de son sein le portrait de Geneviève.) Voilà l’image de celle qui vit, qui respire dans mon cœur. (Il le baise à plusieurs reprises.)

Golo veut le distraire, il fait entendre un concert qui ennuie Sifroi, il fait paraître un ballet dans lequel il fait remarquer à Sifroi les danseuses les plus séduisantes ; mais Sifroi est insensible à tout. L’image de Geneviève seule le tourmente, il reste accablé ; on entend un air de chasse qui tire Sifroi de sa rêverie. Golo lui propose d’essayer ce nouveau plaisir ; il accepte et part pour la chasse. Les danseurs le suivent.

SCÈNE IV.

Le théâtre change et représente un bois épais, dans le fond une caverne, vers le bord du théâtre un rocher, à côté une fontaine et un banc de gazon. L’enfant de Geneviève sort de la caverne, il fait le tour du théâtre pour s’assurer si personne ne s’est approché de sa retraite ; il appelle sa biche ; elle vient et veut s’agenouiller aux pieds de l’enfant, il la caresse. Geneviève parait, elle embrasse son fils, et l’engage ç s’enfoncer un peu dans le bois pour aller chercher de l’herbe pour la biche. L’enfant s’éloigne, il appele sa compagne sauvage, elle se lève et le suit. Geneviève restée seule gémit sur son sort.

SCÈNE V.

Geneviève, (seule.)

Pauvre enfant ! tu ne sens point ta misère. L’innocence est dans ton cœur, et le mien ne gémit que sur toi ; mais mon époux ! ah ! voilà mon plus grand supplice, il croit criminelle son amie la plus tendre ; celle qui ne respirait, qui ne respire encore que pour lui… Un perfide ne pouvant deshonnorer ta malheureuse épouse veut sa mort ; il a la barbarie de l’ordonner, il trouve des complices dans ta maison même ; mais le ciel ne veut pas aider le crime, ses bourreaux, s’attendrissent, les élémens déchaînés suspendent leur courroux, les vents s’appaisent, la mer se calme, et la barque perfide qui devait être l’instrument de notre mort, chargée de l’innocence et de la vertu, est conduite par le grand pilote de la Nature, par le tout-puissant qui te conserve dans cet antre désert, deux infortunés