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DE LA

DIFFERENCIATION POLITIQUE


Dans le dernier article[1] nous avons vu les groupes sociaux se former d’après la loi de l’évolution, qui veut que des unités semblables exposées à des forces semblables tendent à s’intégrer. Le groupement d’hommes semblables, pareillement exposés aux actions hostiles du dehors et réagissant pareillement sur ces actions, est, nous venons de le voir, le premier échelon de l’évolution sociale. Il est une autre loi, pendant de la première, d’après laquelle plus les unités semblables sont exposées à des forces dissemblables, plus elles tendent à former des parties différenciées dans l’agrégat nous allons voir l’application de cette loi à ces groupes former le second échelon de l’évolution sociale.

La différenciation politique primaire naît de la différenciation familiale primitive. Les hommes et les femmes, se trouvant exposés par la dissemblance de leurs fonctions dans la vie à des influences dissemblables, commencent dès le début à prendre des situations différentes dans le groupe social, comme dans le groupe familial : de très bonne heure les hommes et les femmes forment les uns à l’égard des autres les deux classes politiques de gouvernants et de gouvernés. Pour reconnaître qu’il est bien vrai que la dissimilarité de position sociale qui s’établit entre eux provient de la dissimilarité de leurs relations avec les actions ambiantes, il suffira d’observer que l’une est plus ou moins grande selon que l’autre est aussi plus ou moins grande. Quand nous avons traité la question de l’état légal des femmes, nous avons montré que chez les Chippewayens et surtout chez les Chinouks et les Clatsops, « tribus qui vivent de poisson et de racines, où les femmes sont aussi habiles que les hommes à se procurer des aliments, elles ont un rang et une influence peu commune chez les Indiens. » Nous avons vu aussi qu’à Cuba, où les femmes se joignent aux hommes dans les combats, « se

  1. Voir le numéro précédent de la Revue.