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h. spencer. — de la différenciation politique

les appareils régulateurs et les appareils d’entretien qui se retrouve partout dans les formes élevées de l’évolution sociale.

Kane remarque que « l’esclavage sous sa forme la plus cruelle existe chez les Indiens tout le long de la côte du Pacifique, depuis la Californie jusqu’au détroit de Behring, les tribus les plus fortes réduisant en esclavage les membres de celles qu’elles peuvent vaincre. Dans l’intérieur du continent américain, où l’état de guerre est peu intense, l’esclavage n’existe pas. » Cette phrase ne fait qu’exprimer sous une forme nette un fait qui se montre partout. Il y a des faits qui donnent à penser que la pratique de la réduction en esclavage provient par degrés insensibles de celle du cannibalisme. Chez les Noutkas, « on sacrifiait de temps en temps les esclaves et on les mangeait. » Opposons cet usage à celui que l’on trouve commun ailleurs de tuer et de manger les prisonniers aussitôt qu’on les a pris. Lorsque les captifs sont trop nombreux pour qu’on puisse les manger tout de suite, il a suffi probablement d’en garder quelques-uns en réserve en vue de les manger plus tard, pour que le service qu’on en a tiré en attendant ait appris que leur travail avait plus de valeur que leur chair, et donné naissance à l’habitude de les conserver comme esclaves. Quoi qu’il en soit de cette origine, nous trouvons que, chez les tribus auxquelles des habitudes militaires ont donné une ébauche de structure, l’usage de réduire les prisonniers en esclavage est établi. Il est certain que les femmes et les enfants pris à la guerre et les hommes qui n’ont pas été mis à mort tombent naturellement dans une servitude absolue. Ils appartiennent absolument aux guerriers qui les ont pris ; ceux-ci auraient pu les tuer, et ils conservent le droit de le faire plus tard selon leur bon plaisir. Les captifs deviennent une propriété, dont on peut faire un usage quelconque.

L’acquisition d’esclaves, conséquence de la guerre au début, devient bientôt le but de la guerre. Chez les Noutkas, « quelques-unes des petites tribus du nord de l’île passent pour une pépinière d’esclaves les tribus plus fortes qu’elles les attaquent périodiquement » la même chose se passe chez les Chinouks. Il en était de même chez les anciens Indiens de la Vera Paz, qui faisaient périodiquement une incursion sur le territoire ennemi… et ils faisaient des captifs autant qu’ils en avaient besoin. Il en était de même à Honduras, où en déclarant la guerre, on faisait savoir à l’ennemi « qu’on avait besoin d’esclaves ». Il en est aussi chez les divers peuples du globe. Saint-John nous apprend que beaucoup de Dayaks tiennent plus à conquérir des esclaves qu’à remporter des têtes ; et, quand ils attaquent un village, ils tuent seulement ceux qui résistent ou qui cher-