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h. spencer. — de la différenciation politique

réellement des situations influentes en France, par exemple, « Louis XIV exclut systématiquement la noblesse des fonctions de ministre. » Bientôt leur situation privilégiée sera diminuée par l’élévation de nouveaux rangs rivaux, créés par l’autorité suprême de l’État. Au lieu des titres hérités par des chefs militaires possesseurs du sol, titres qui exprimaient leurs attributs et positions, on voit apparaître des titres conférés par le souverain. Certaines des classes issues de cette autorité ont encore une origine militaire : par exemple, on faisait des chevaliers sur le champ de bataille, souvent en grand nombre avant le combat, comme à Azincourt, où le roi Henri V en créa cinq cents, et quelquefois après la bataille, pour récompenser la valeur des combattants. D’autres titres proviennent de fonctions politiques de différents grades en France, par exemple, où, au dix-septième siècle, on conférait la noblesse héréditaire à des membres du Parlement et au officiers de la Chambre des comptes, qui appartenaient en général par leur naissance à la bourgeoisie. Les fonctions judiciaires donnent bientôt aussi naissance à des titres honorifiques. En France, en 1607, on accorda la noblesse à des docteurs, à des régents, à des professeurs de droit ; enfin les cours souveraines obtinrent, en 1644, le privilège de la noblesse au premier degré. De sorte que, selon la remarque de Warnkœnig. « la notion primitive de noblesse s’étendit tellement avec le temps, que la relation qu’elle soutenait primitivement avec la possession d’un fief ne fut plus reconnaissable, et que l’institution se trouva totalement changée. » Ces exemples, et d’autres analogues que nous trouvons dans plusieurs contrées européennes, nous montrent comment les divisions primitives de classes s’effacent, et comment les nouvelles se distinguent des anciennes en ce qu’elles sont délocalisées. Il se forme des couches sociales qui se retrouvent partout dans une société intégrée et qu’aucun lien n’attache à un lien ou à un autre. Il est vrai que, parmi les titres conférés artificiellement, les plus élevés viennent des noms de territoires ou de villes simulant par là, mais ne faisant que simuler les anciens titres féodaux, qui exprimaient une possession seigneuriale de ces territoires. Toutefois les autres titres modernes, nés du développement des fonctions politiques, judiciaires ou autres, ne se rapportent pas même par le nom à des localités. Ce changement accompagne naturellement l’intégration croissante des parties en un tout, et la formation d’une organisation du tout où les divisions entre les parties n’ont aucune valeur.

L’accroissement de l’industrialisme affaiblit bien plus activement les divisions politiques primitives inaugurées parole régime militaire. Ce résultat se produit de deux manières premièrement, par la créa-