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h. spencer. — de la différenciation politique

On ne peut donc douter que les distinctions de classe ne remontent à l’origine de la vie sociale. Si nous laissons de côté les groupes nomades dont le défaut de cohésion est tel que les parties qui en forment les éléments changent incessamment de rapports les unes avec les autres et avec le milieu, nous voyons que, partout ou la société présente quelque cohésion et des relations quelque peu fixes entre les parties, des divisions politiques prennent naissance. La possession d’un pouvoir relativement supérieur, cause première de différenciation dans la famille comme dans la société, entre les fonctions et la situation des sexes, ne tarde pas à devenir une cause de différenciation entre les mâles et révèle ses effets dans l’asservissement des prisonniers de guerre : d’où la constitution de deux classes, l’une de maîtres, l’autre d’esclaves.

Lorsque les hommes restent attachés à la vie nomade afin de se procurer la grossière nourriture dont eux-mêmes et leurs troupeaux ne peuvent se passer, les groupes qu’ils forment ne peuvent par la guerre faire plus que de s’approprier les uns aux dépens des autres quelques-unes de leurs unités individuellement ; mais, quand les hommes sont parvenus à l’état agricole ou sédentaire, il est possible qu’une société s’empare d’une autre en masse en même temps que de son territoire. Quand cela arrive, de nouvelles divisions de classes se produisent. La société conquise ou tributaire n’a pas seulement ses membres assujettis, mais réduits à un état tel que, continuant à vivre sur leurs terres, ils abandonnent par l’entremise de leurs chefs une partie du produit du sol à leurs conquérants c’est l’ébauche qui fait prévoir ce que sera le classe servile.

Dès l’origine, la classe militaire, possédant grâce à la force des armes la domination, devient la classe qui possède la source d où dérivent les matières alimentaires, le sol. Aux époques de la vie nomade des peuples chasseurs et pasteurs, les guerriers du groupe sont propriétaires du sol collectivement. À l’état sédentaire, la propriété est en partie collective, en partie individuelle, d’après des modes variés ; et à la fin elle devient tout à fait individuelle. Mais, durant les longues époques de l’évolution sociale, la propriété foncière et l’état militaire sont unis par une relation constante.

La différenciation de classe dont l’état militaire est la cause active trouve une condition favorable dans l’établissement d’une filiation définie, surtout dans la filiation masculine, et dans la transmission invariable de la position et de la propriété dans l’ordre de primogéniture. D’où des inégalités de situation et de fortune entre les parents proches et les parents éloignés ; enfin ces inégalités, une fois produites, s’aggravent, parce qu’elles donnent au supérieur des