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h. lachelier. — l’enseignement de la philosophie

tout entière. Kant a en effet le premier nettement séparé des simples phénomènes, des données des sens, l’ensemble des opérations par lesquelles la Pensée réagit sur les données expérimentales, les réduit en système, en un mot les connaît ; et il a montré les liens étroits qui unissent la logique formelle à la logique transcendantale, la Pensée logique à la. Pensée connaissante. M. Wundt s’éloigne sans doute beaucoup de Kant, lors qu’il essaye de réduire l’activité de la Pensée à la seule activité logique et de ramener à la logique formelle toute la connaissance humaine. On peut, avec Kant, affirmer l’existence de deux facultés distinctes de l’esprit et revendiquer l’indépendance de l’entendement. Il n’en est pas moins vrai que les opérations purement logiques et les opérations pour ainsi dire connaissantes de la pensée humaine sont du même ordre, et que l’étude des premières ne doit pas être radicalement séparée de l’étude des secondes. Aussi les différentes écoles qui, depuis Kant, se sont disputé la prééminence dans les chaires allemandes, ont-elles toujours cherché à rapprocher la Théorie de la connaissance de la Logique formelle, pour les réunir en un système général de la Pensée.

Les disciples de Herbart, aussi bien que ceux de Fichte et de Hegel, prétendent remonter à Kant ; les partisans de la philosophie scientifique, des savants même, comme Helmholtz et Dubois-Reymond, se donnent pour les continuateurs de la pensée kantienne. Aussi la conception générale de la philosophie inaugurée par Kant règne-t-elle dans toute l’Allemagne. Il est vrai de dire que, si personne ne conteste chez nos voisins l’étroite parenté des deux branches de ce qu’ils appellent la « philosophie théorique », beaucoup de professeurs, dans leur enseignement, n’accordent pas à toutes les deux la même importance. Quelques-uns, comme M. Drobisch, se consacrent à la seule Logique formelle. Mais aucun ne sépare la Théorie de la connaissance de la Logique pour la confondre avec la Psychologie. Les partisans d’un empirisme absolu ont seuls le droit de procéder ainsi. Pour eux, en effet, il n’existe pas de fonctions actives, d’opérations de la pensée. La liaison causale, par exemple, est un fait, un phénomène d’habitude, qui doit avoir sa place dans la Théorie psychologique de l’habitude. Les vrais empiristes considèrent la Théorie de la connaissance comme une dépendance de la Psychologie. C’est ce que font les Anglais. Herbert Spencer incorpore dans sa Psychologie empirique non seulement la théorie du temps et de l’espace, mais encore celle de la cause et en général celle de la raison. Et, si l’école française a cru devoir adopter dans l’étude de la Psychologie un plan analogue, peut-être pourrait-on lui reprocher de s’être laissé séduire elle aussi par un genre d’empirisme, moins différent